Nous poursuivons cette semaine auprès d’un jeune talent des Beaux-Arts de Paris, étudiant lui aussi à l’atelier Boisrond, Victor Puš-Perchaud. Ses toiles traversent les champs de la figuration et de l’abstraction dans un juste équilibre et nous font voyager à travers une atmosphère méditerranéenne, si chère à l’artiste. Des tonalités douces et réconfortantes que l’on espère vous feront autant voyager que nous lors de notre rencontre et de notre puissante confrontation avec ses peintures, à son atelier.
Avec Victor nous avons échangé sur ses voyages, ses origines, ses inspirations artistiques et littéraires mais aussi sur son processus et ses intentions artistiques. En pleine reflexion sur son travail, Victor nous a ouvert les portes de son monde. Cette rencontre fut une parenthèse enchantée que nous sommes ravies de partager à notre tour avec vous aujourd’hui et tout au long de la semaine !
Elsa&Louise
Avec Victor nous avons échangé sur ses voyages, ses origines, ses inspirations artistiques et littéraires mais aussi sur son processus et ses intentions artistiques. En pleine reflexion sur son travail, Victor nous a ouvert les portes de son monde. Cette rencontre fut une parenthèse enchantée que nous sommes ravies de partager à notre tour avec vous aujourd’hui et tout au long de la semaine !
Elsa&Louise
Peux-tu te présenter?
Je suis en troisième année aux Beaux Arts mais ça fait quatre ans que je suis là. Pour le moment ma pratique s’étale sur deux pôles différents : la peinture figurative mais pas narrative non plus, et je fais du manga aussi.
Je suis en même temps à l’atelier François Boisrond et à l’atelier Joann Sfar. Le manga est plus récent pour moi mais c’est un art que je faisais avant et avec lequel je renoue.C’est une autre approche du dessin, différente pour moi. C’est presque plus documentaire, c’est un dessin fini, délimité. Alors qu’en peinture je cherche plutôt à superposer des couches, à casser des formes, à créer des motifs archétypaux.
Dans le manga c’est presque comme dans un film que j’essaie de mettre en scène, de montrer des choses, des relations entre les personnages, des moments d’inactions.
Nous avons remarqué que tu travaillais sur du petit format et particulièrement pour réaliser tes portraits. Pourquoi ce choix?
C’est surtout lié à des questions techniques. Cela fait seulement trois ans que je fais de la peinture au sein de l’école. Mon travail se centre autour de la matière, de la texture, de la peinture à la l’huile. J’essaie de faire très attention à n‘importe quelle touche, comme une peinture abstraite presque, dans ma figuration.
Ce n’est pas forcément un choix délibéré de faire du petit format au début. J’ai fait ça peut être par facilité. J’aime le côté objet de la peinture, la toile que l’on peut prendre dans les mains. J’aime cet objet en bois avec le tissu. C’est quelque chose que j’aime vraiment, d’avoir une expérience de la matière. Mais c’est dans mon projet de faire plus de moyens, grands formats.
Et pour le paysage tu sembles t’ouvrir davantage à des grands formats.
J’avais envie de faire quelque chose de plus immersif. Après, je n’aime pas trop les très grands formats non plus. Au-delà de deux mètres, je trouve qu’on perd ce rapport humain. Je préfère privilégier quelque chose de qualitatif que quantitatif. Mais un tableau plus immersif et assez grand est très interessant. J’admire le travail de Rothko et les formats qu’il utilise sont formidables. On est pris dedans, chaque centimètre est travaillé.
Pour tes portraits, tu t’inspires plutôt de ton entourage ou c’est plus issus de ton imagination ?
En fait, je ne suis pas du tout dans une démarche de représentation. Je veux utiliser le motif de quelque chose, d’une image de la nature pour créer une image archétypale. Mes sujets sont plus une excuse pour créer une forme. Mais je suis attaché aux motifs de la nature, ce n’est pas quelque chose que je vais exclure. Je ne suis pas attachée aux monochromes. Mais ce que j’aimerais faire c’est des parties de monochrome dans ma figuration. J’essaie de me placer entre abstraction et figuration.
Il y a souvent un camaïeu de couleur récurrent dans ton oeuvre. Ce sont des teintes qui nous rappellent une atmosphère méditerranéenne.
J’ai découvert pendant le confinement Les Noces d’Albert Camus. Je me suis confronté à la philosophie de l’absurde, de cette nature instantanée, évidente qui est là et qui le frappe. Et de l’absurdité et de la beauté qu’il peut trouver dedans, dans cette minéralité, cette simplicité. Et pour le côté méditerranéen c’est les images qu’il a.
La Méditerranée est très importante pour moi. J’y séjourne régulièrement depuis que je suis petit, notamment en Corse. Ce sont particulièrement les couleurs et les atmosphères qu’elle dégage qui sont importantes pour moi, qui me donnent envie d’exprimer, qui me portent et me poussent à peindre.
On remarque dans ton oeuvre du ton sur ton. Forme et fond font corps, même s’il y des nuances.
L’effacement, l’estompement c’est quelque chose que je cherche. De générer un contraste qui soit à la fois discret et à la fois graphique. De créer quelque chose de doux, enveloppant. J’essaie de créer un objet réconfortant comme le faisait Matisse. De produire du plaisir chez le spectateur car c’est ça pour moi la peinture.
J’essaie aussi de véhiculer une pensée picturale qui trouverait une cohérence entre mes travaux. Comme Gauguin ou Matisse, on retrouve cette pensée non verbale, une manière d’exprimer autrement qu’avec les mots. J’essaie aussi de travailler sans motif prédéfini, sans image photographique qui pourrait m’aiguiller au début, pour directement faire surgir des choses à partir de la matière.
Tes peintures sont très silencieuses.
Oui je cherche un silence comme on peut le trouver chez des peintres comme De la Tour. Je suis très attachée à la présence dans la peinture. Pour moi la peinture c’est du temps dans l’oeuvre. Ce n’est pas juste une toile. C’est un mois de ma vie, un moment où j’ai passé du temps à coté de mon sujet, de ma toile.
J’essaie de parler aux émotions humaines. Je ne souhaite pas réaliser une peinture abstraite, déconnecter de la réalité et comme Rothko je ne me place pas dans la peinture abstraite car je souhaiter parler des émotions, de la sensibilité humaine.
La littérature et la philosophie semblent aussi très importantes pour toi.
Oui, la lecture vient me nourrir, m’enrichir, me donner des références et des images. En ce moment, je cherche beaucoup de lectures qui évoquent les univers méditerranéens. Ce sont des images que j’ai, que j’ai dans ma tête depuis que je suis né.
Quelques extraits des commentaires de l’artiste devant ses carnets d’études et de voyages:
Carnet de voyage en Iran
« J’ai fait un voyage en Iran qui m’a beaucoup inspiré, au niveau des couleurs. (..) La culture du Moyen Orient, est une culture qui me subjugue. »
Carnet d’étude au début de sa pratique
« Matisse (...) est une plus de mes premières références. De la couleur, de la peinture. Il est déjà entre figuration et abstraction. » (...) « Je travaille beaucoup le dessin. C’est très important pour moi. Mais en même temps j’essaie de déconstruire mon dessin, d’épurer. »
Ton travail d’élaboration est-il long ?
« J’essaie de plus en plus de travailler quand je sens que ça vient. En fait, au début j’étais beaucoup dans un travail acharné. »
« Mon objectif dans ma peinture est qu’on sente mon patrimoine culturel. Que l’on sente mon influence de toute la peinture moderne et plus ancienne. Que l’on puisse voir des détails, des réminiscences. »
Carnet plus récent
« Quand j’expose mes peintures, je les montre sans cadre »
Est-ce que tu envisages tes oeuvres comme un tout, à considérer dans une unité?
« J’aimerais véhiculer une pensée, un fil conducteur. Pour moi c’est un tout. Ce qui serait génial c’est que quelqu’un en voyant mes oeuvres, voit que c’est un fragment dans un tout, d’une oeuvre. »
Carnet du confinement dans le sud d’Ouest.
« Je m’inspire beaucoup d’Etel Adnan. Je trouve que ses superpositions de couleurs sont souvent très proches et sublimes. » (...) « Je suis attaché à tout ce qui est graphique. J’aime bien avoir dans mes tableaux une forme qui marche dans l’espace du tableau. » (...)
« Quand je travaille à la gouache, j’essaie de travailler le recouvrement, l’effacement, l’estompement » (...)
« Parfois en ratant, on fait subvenir quelque chose »
« J’aime beaucoup les miniatures persanes. Mais je cherche à être dans une économie de moyen »
« Le paysage est très important. J’aime le rythme de la nature. »
« J’aime la joie tristesse, c’est un sentiment important. C’est un sentiment joli et qui n’est pas facile à montrer.»
« J’ai fait de la fresque aux Beaux-Arts aussi. Cela m’a permis de gérer les superpositions. (..) Tu fais chanter la peinture que tu mets par dessus. C’est une superposition. La superposition donne une amplitude énorme à la peinture. Pour moi la peinture ce n’est pas mettre des couleurs sur une surface blanche. C’est faire chanter les couleurs les unes par rapport aux autres. Un peu de la musique. »
Pour continuer à découvrir cet artiste et ses créations, nous vous donnons rendez-vous sur sa page Instagram:
https://www.instagram.com/victor_pusperchaud/