« Je cherche toujours une forme d’équilibre et d’harmonie dans le tableau. La peinture est finie quand il me semble que tous les éléments s’accordent entre eux. »
Pierre Bellot
L’Équilibre et l’harmonie caractérisent en effet la peinture de l’artiste français, diplômé des Beaux-Arts de Paris en 2015.
Le travail de Pierre Bellot est particulièrement remarquable pour la manière avec laquelle le peintre parvient à nous donner des repères immédiats pour appréhender l’espace qu’il construit sur sa toile. Ces repères sont d’ordre formel où chaque élément la composant semble se faire écho. Cela passe aussi parfois par la répétition d’un même motif donnant un rythme à la composition. Ainsi, l’artiste donne immédiatement accès au spectateur à l’œuvre dans son entièreté et l’invite progressivement à s’attarder sur chaque détail. Cette harmonie et cet équilibre réussis et trouvés par l’artiste, lui permet d’emmener le spectateur dans des espaces pleinement fictionnels et imaginaires où il n’est pas rare de voir des objets ou des éléments de paysages converser.
Des compostions que l’artiste imagine dans des espaces pleinement libres, s’affranchissant toujours des limites imposées par le cadre structurel de la toile. Le peintre peut choisir par exemple de laisser délibérément des marges en réserve créant ainsi un nouveau cadre à la composition qu’il invente. Ou encore de décider de recouvrir sa toile d’aplats de couleurs donnant le sentiment d’un espace infini, sans début ni fin. Si Pierre Bellot parvient à nous emmener dans ces paysages et fictions, c’est qu’il réussit ce que Matisse affirmait :
« S’il y a beaucoup d’ordre, beaucoup de clarté, c’est que, des le début, cet ordre et cette clarté existaient dans l’esprit du peintre, ou que le peintre avait conscience de leur nécessité . Des membres peuvent se croiser, se mélanger, chacun cependant reste toujours, pour le spectateur, rattaché au même corps et participe à l’idée du corps: toute confusion a disparu. »
Peux-tu te présenter ?
Je suis né en 1990 et diplômé des Beaux-Arts de Paris en 2015. J’ai commencé la peinture en arrivant à l’école après avoir fait une formation en illustration.
Dans tes grands formats et petits formats, j’ai pu observer une géométrisation de l’espace par la délimitation de ces dernier en de surfaces accueillant des motifs. Cette manière de concevoir l’espace me rappelle des tesselles de céramiques. Peux-tu nous parler de cette recherche dans ton travail pictural?
Il y a quelques peintures où j’ai représenté des espaces qui se construisaient comme des boites. Elles étaient décorées avec des papiers peints, quelque-uns inspirés par ceux de William Morris. Je les vois comme des petites scènes de théâtre dans lesquels des objets parlent.
Si les formes géométriques sont récurrentes les formes plus sinueuses les côtoient. Tu sembles très intéressé par l’idée du « décoratif » comme le désignait Matisse.
Je cherche toujours une forme d’équilibre et d’harmonie dans le tableau. La peinture est finie quand il me semble que tous les éléments s’accordent entre eux.
Tu représentes autant des espaces intérieurs (ceux domestiques, celui de l’atelier) qu’extérieurs et tu crées aussi parfois des espaces et paysages selon ta propre imagination tels de petites maquettes. Peux-tu nous parler de ta démarche artistique ?
Je n’ai pas l’impression d’avoir une démarche artistique particulière. J’ai toujours fait confiance à une sorte d’instinct pour savoir quel tableau j’ai envie de faire. Parfois c’est une matière de peinture, une couleur, un motif, une forme qui est le point de départ. J’essaye de ne pas tout à fait comprendre d’où les choses viennent pour garder une forme de spontanéité et de naïveté. C’est une fois les tableaux terminés que j’y vois un sens, un lien entre tous et un ensemble cohérent.
La représentation de personnages n’est pas centrale dans ton travail. Quand ils sont présents ils sont plutôt dissimulés dans les compositions que tu crées : ils reprennent les formes et les couleurs des autres motifs présents. Tout est finalement mis sur le même plan dans tes compositions. Peux-tu nous décrire ta manière de concevoir les figures?
Quand j’étais aux Beaux-arts, j’ai fait beaucoup de portrait sur des petits formats de gens qui m’entouraient. Quand j’ai voulu les inclure dans des compositions plus grandes, je me suis heurté à une forme de narration, qui à ce moment là me posait problème. Je les ai donc abandonnés.
Il y a quelques années, j’ai eu envie de réintégrer une présence dans les tableaux. L’idée du masque ou d’une géomatrisation des figures a été utile pour y parvenir. Récemment les figures sont plus présentes, mais avec un style proche de la BD, car j’ai moins de réticence à raconter des histoires dans les images. Rien n’est figé, je laisse toujours des portes ouvertes.
J’ai pu observer quelques récurrences de tableau en tableau dans les motifs que tu représentes: des lignes sinueuses (4 ou 6 petites vagues) des motifs végétaux .. et aussi par l’usage d’une même palette de couleurs qui se répand de tableau en tableau. Est-ce parce que tes tableaux fonctionnent d’une certaine manière en ensembles ?
Les motifs qui se répètent servent d’éléments de liaison pour les tableaux entre eux. Ils sont comme des signes que les peintures font parties d’une série, d’une période précise.
Pour la palette, c’est quelque chose de naturel que je ne cherche pas particulièrement. Cela vient peut-être de cette volonté d’harmonie déjà dans le tableau, mais aussi dans l’accrochage ensuite. Ces couleurs créent aussi une atmosphère lumineuse générale, dans lesquelles tous les tableaux baignent.
La plupart de tes oeuvres laissent une grande part au blanc, à la réserve. Peux-tu nous expliquer son rôle dans ton travail et tes compositions ?
C’est la grande question pour moi en peinture. Parfois je trouve qu’un vide ou une réserve est nécessaire pour faire exister d’autres éléments plus complexes dans la composition. Il est bien plus difficile de réussir cette partie que de représenter un motif précis. Pour moi, l’intention de représenter l’air qui entoure les objets demande bien plus de concentration et de tension.
Matisse l’a bien compris dans l’atelier rouge. Après avoir gardé son tableau plusieurs semaines dans l’atelier, il a décidé d’en recouvrir les trois quarts de la composition. Je trouve ce geste très puissant et très juste.
Quelles sont tes principales influences créatrices ?
J’ai toujours beaucoup aimé Vermeer car c’est le seul où je trouve qu’il y a une forme de “surnaturel” dans ses tableaux. Il est intemporel. Je n’ai pas l’impression de regarder une image ou un objet mais bien une porte ouverte sur un monde. Je trouve qu’on sent la poussière dans l’air, la lumière et le temps.
Récemment j’ai retrouvé cette sensation chez Monet. Toute cette période où il perd la vue, il parvient à rendre palpable la lumière, les reflets de l’eau et le temps qui passe dans son jardin.
Ils ont réussi à faire que la peinture ne soit pas juste une image narrative ou un joli objet décoratif, mais bien quelque chose d’indéfini et sans fonction précise.
Sinon j’aime beaucoup le travail de Matthias Weischer, Christian Hidaka, Victor Man, Yu Nishimura, Johnny Izatt-Lowry, Anthony Cudahy et Kevin McNamee-Tweed. Et Akira.
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