Nicolas Gaume - Conversation (part.2)

En novembre dernier, l’artiste avait investi l’espace de la galerie avec ses visages énigmatiques, ses paysages hiératiques et un troublant navire en flammes. Résonant avec son histoire personnelle, ce dernier motif inspiré par une scène marquante de la conquête de la péninsule Ibérique, rapportée par la romancière algérienne Karima Berger, apparaissait alors comme une métaphore de son engagement en peinture. Débarqué à Gibraltar en 711, le général omeyyade Tariq ibn Ziyad fit brûler sa flotte pour empêcher ses troupes de rebrousser chemin face aux Wisigoths. Nicolas Gaume aborde son art avec ce même dévouement, ce même engagement plein et entier qui se confond parfois avec une éthique de vie. A l’instar de Giorgio Morandi, son vocabulaire est restreint, mais fécond. De toile en toile, son répertoire de paysages vécus et de visages vus est patiemment parcouru, lentement décliné, progressivement réitéré. Amateur de musique minimaliste, l’artiste a compris que chaque interprétation recèle sa part de singularité et de secret. Il sait que répéter un motif jusqu’à le transformer en poncif, en signe quasi- abstrait permet de redonner toute sa place à la mélodie de la peinture, avec ses variations, ses gammes et ses nuances. Chez Nicolas Gaume cette mélodie ne débute pas immédiatement sur la toile immaculée, mais sur un calque diaphane sur lequel il trace les contours concis de ses figures. Une fois percée, cette feuille primitive se métamorphose en poncif sur la surface du tableau. Hérité des maîtres de la Renaissance italienne, ce spolvero est le motif autour duquel s’orchestre l’harmonie colorée de sa peinture. D’un côté les ocres, qui sont comme une base, un fond primordial, couvrant le blanc mat du carbonate de calcium ; de l’autre les cobalts profonds, les cadmiums incandescents et les pourpres mélancoliques appliqués en glacis délicats ou en larges aplats au couteau. Sous son apparente simplicité, ce que l’œuvre de Nicolas Gaume développe, c’est une contemplation, une méditation peut-être, qui renvoie aux configurations les plus archaïques de notre esprit : observer les reliefs d’une montagne, voir les manières d’un corps. Partagé entre géologie et anthropologie, entre cosmologie et cosmétique, entre silence et musique, son art nous invite à faire converser les antagonismes.

Enzo Menuge

 

Galerie Elsa Meunier 

15 rue Guénégaud 75006 Paris 

ouvert du mardi au samedi de 14h à 18h & sur rendez-vous

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