Il y a une forme de complicité qui se noue entre les toiles du talentueux Nicolas Gaume et le regardeur. De tableaux en tableaux, on se plaît à retrouver ces visages qui nous paraissent alors presque familiers. Une palette de couleurs s’y repend et un merveilleux dialogue s’opère entre chacune de ses toiles. Couleurs vives ou couleurs douces, motifs déclinés de peinture en peinture .. c’est finalement à travers tout un langage formel et pictural bien précis que Nicolas Gaume nous permet d’entrer dans son univers et de s’y repérer.
Mais plus qu’une simple répétition, Nicolas Gaume renouvelle ce répertoire et le décline en une infinité de possibilités que lui permet le médium pictural.
« J’étais séduit par la peinture parce qu’elle permettait justement de tout créer à partir d’une surface apparement vierge », m’explique l’artiste.
Alors si Nicolas Gaume offre une certaine entrée dans son travail, il y a néanmoins une force silencieuse et un caractère mystérieux voire mystique qui en transparaît. Ses compositions ne se veulent jamais pleinement explicites et ses formes et couleurs acquièrent une certaine autonomie.
Avec Nicolas Gaume nous sommes revenus sur son parcours, sur son approche de la peinture et son attachement à la figure. Nous avons également échangé sur son questionnement recent autour de la création de cadres comme contours et prolongements de ses œuvres peintes.
Mais plus qu’une simple répétition, Nicolas Gaume renouvelle ce répertoire et le décline en une infinité de possibilités que lui permet le médium pictural.
« J’étais séduit par la peinture parce qu’elle permettait justement de tout créer à partir d’une surface apparement vierge », m’explique l’artiste.
Alors si Nicolas Gaume offre une certaine entrée dans son travail, il y a néanmoins une force silencieuse et un caractère mystérieux voire mystique qui en transparaît. Ses compositions ne se veulent jamais pleinement explicites et ses formes et couleurs acquièrent une certaine autonomie.
Avec Nicolas Gaume nous sommes revenus sur son parcours, sur son approche de la peinture et son attachement à la figure. Nous avons également échangé sur son questionnement recent autour de la création de cadres comme contours et prolongements de ses œuvres peintes.
Peux-tu te présenter ?
Je suis né en 1995 en France. Ma formation artistique à débuté dès mes années de lycée où je me suis intéressé à la photographie argentique. Je travaillais dans un centre école/studio/labo photo et en échange on m’apprenait différentes techniques de tirage et de développement. J’avais les clés de la boutique et je passais des heures après la fermeture à faire mes expériences dans la chambre noire. C’était un immense bonheur et un outil idéal d’émancipation. J’ai assez rapidement compris que ce processus de révélation de l’image et le travail du laboratoire m’intéressaient (presque) plus que la prise de vue des photos elle-même et assez rapidement la photographie argentique ne me suffisait plus. J’étais séduit par la peinture parce qu’elle permettait justement de tout créer à partir d’une surface apparemment vierge.
Après un bac littéraire, j’ai fait un court passage à l’université Paris 8 en art plastique pour me donner les moyens et le temps de préparer le concours des Beaux-Arts de Paris. Une fois entré aux Beaux-Arts, François Boisrond m’a ouvert les portes de son atelier de peinture et j’y suis resté tout au long de mes études. J’ai peu à peu délaissé la photographie face à l’immense difficulté et à toute l’attention que la peinture doit mobiliser pour espérer pouvoir en comprendre certains contours.
Je suis diplômé depuis juin 2021 et je travaille dans un atelier à Ivry.
" J’essaye de toujours laisser une ouverture dans une peinture pour que celui qui la regarde puisse y entrer et faire son chemin, combler les vides, ce qu’il lui manque. "
Nicolas Gaume
J’ai observé certaines récurrences dans ton travail comme l’emploi de la couleur rouge, la représentation d’un même personnage masculin qui revient de tableau en tableau, le motif des mains placées devant la bouche. Peux-tu nous parler de ces éléments et de leur rôle dans ta peinture?
La couleur rouge n’est pas d’une importance fondamentale pour moi, ou du moins, je ne l’ai pas choisie pour une raison symbolique. Une couleur fonctionne à côté d’une autre et je m’efforce de les faire tenir ensemble, sans être toujours capable de prétendre que c’était le choix le plus juste. Il y a en effet un personnage masculin et un féminin qui sont présents sur une grande majorité de mes tableaux les plus récents. La présence humaine dans l’espace du tableau est, quant à elle, très importante pour moi. Je n’envisage que très rarement de faire un tableau dans lequel il n’y aurait pas de figure et je n’en ai pratiquement jamais peint. En ce qui concerne le motif de la main devant la bouche, il m’a été inspiré par une lecture d’une nouvelle de Jean Grenier dans laquelle il écrit «[qu’]une passion veut des forteresses autour d’elle ». C’est un passage très beau où il décrit comment certaines choses doivent être gardées dans le secret pour que puisse se préserver ce qu’il y a de plus sacré en elles.
Le secret m’intéressait comme motif de peinture parce qu’il brise la frontière entre le silence et la parole. Il est, par essence, une invitation à l’intime.
Si ton travail est principalement figuratif j’ai constaté que certaines de tes œuvres se plaçaient entre la figuration et l’abstraction. Deux d’entre elles en sont particulièrement révélatrices du passage de l’un à a l’autre : je pense à la toile intitulée « Couronnée aujourd’hui » et celle de ton diplôme avec la barque qui prend feu sur la deuxième moitié du tableaux. Dans ces deux travaux c’est finalement le motif du feu, élément insaisissable et difficilement palpable qui te permet de matérialiser ce passage de l’un à l’autre. Peux-tu nous dire quelques mots sur cette recherche?
Je n’ai jamais eu la patience suffisante pour pousser jusqu’au bout les détails qui donneraient à une peinture un aspect photographique. Tant mieux finalement, car le rapport que le peintre échange avec son médium lorsqu’il reproduit fidèlement une photographie ne m’intéresse pas dans ma pratique, même si je n’y suis pas toujours insensible. Je regarde autant de la peinture abstraite que de la peinture figurative, généralement ému par ce qui se trouve dans cette zone de tremblement entre la représentation et l’abstraction (si tant est que l’on considère l’abstraction comme étant disjointe de la représentation ce qui me semble être une erreur). J’essaye de toujours laisser une ouverture dans une peinture pour que celui qui la regarde puisse y entrer et faire son chemin, combler les vides, ce qu’il lui manque.
Tu as portraituré un certain nombre de personnes de ton entourage. Tu as véritablement constitué une galerie de portraits. Réalisés sur de petits formats, elles me rappellent des portraits photographiques tirés sur papier que l’on collectionnerait. Et à l’image des instantanés tu sembles saisir tes modèles dans leur intériorité, ils ne semblent jamais poser. Peux-tu nous décrire ton processus créatif habituel pour réaliser ces portraits?
J’ai commencé à peindre il y a 8 ans en faisant des portraits de personnages dans des espaces. C’était important pour moi d’apprendre à peindre des visages, je procédais donc par répétitions, exploitant au maximum les photos de mes amis que je faisais poser pour moi. La répétition de ces visages, comme des gammes, est quelque chose qui est restée dans le temps. Je travaille généralement avec un ou deux modèles que je fais poser et avec toutes ces images, je peux travailler un ou deux ans. À la fin de l’année 2019, c’est un ami peintre et ma petite cousine qui ont accepté de poser pour moi et ils sont toujours sur mes dernières peintures.
Deux de tes toiles, de grandes dimensions, intitulées « Their memories are sweating here » (I&II) semblent chacune faire coexister deux narrations, deux temporalités, parallèlement. Sur la première (la I), les 3/4 de la composition présente une iconographie qui semble être le sujet. Pourtant, un personnage du premier plan, placé à droite, nous ramène à une autre temporalité: il est comme extérieur à la scène et semble nous prendre à témoin. Et sur la deuxième (la II), c’est une main au premier plan qui indique que ce que l’on observe n’est que fictif. Peux-tu nous parler de ces deux toiles et de ta recherche narrative ?
Je ne suis pas certain qu’il s’agisse d’une narration franche parce que je serais tout à fait incapable de raconter une histoire que les peintures pourraient décrire d’elles-mêmes. La première peinture intitulée « Leurs mémoires transpirent ici, I » est au contraire plutôt figurative, pour moi assez photographique, car on y voit des oiseaux voler devant le paravent d’une boutique dans un cadrage assez resserré pouvant évoquer une image cinématographique. C’est d’ailleurs un morceau d’une capture d’écran d’un film de Guy Gilles qui s’appelle Le Clair de Terre que j’ai utilisé pour ce tableau.
Récemment, tu as exploré le cadre, comme partie intégrante de l’oeuvre. Des cadres qui contrastent particulièrement avec ton œuvre picturale dans leur traitement. Quelle est ta recherche et ton intention avec ce nouveau travail?
J’avais depuis longtemps très envie de faire quelque chose qui se tiendrait à côté ou derrière une œuvre, sur un mur. Essayer de poursuivre ou de mettre fin à une peinture et ajoutant quelque chose à celle-ci, mais qui se tiendrait en dehors d’elle. Initialement, cette idée prenait la forme d’une sorte de fresque, de dessin ou d’une peinture murale qui entourerait ou parcourrait l’endroit où la peinture est accrochée au mur. Avant cela, je m’appliquais souvent à faire fonctionner une peinture avec une autre, très proche, chacune agissant comme un contrepoids pour pouvoir donner un équilibre à l’ensemble. Dans la continuité de ces idées, je me suis ensuite intéressé aux cadres après une lecture de Derrida à propos de ce qu’il nomme après Kant, le « parergon ». Quelque chose qui viendrait contre l’œuvre, une sorte de supplément qui serait dans un rapport de coopération avec celle-ci. J’aimais cette idée que quelque chose qui se tient à la limite, en marge, est à la fois une façon de terminer la peinture, de la protéger et de contenir son énergie. Une façon de donner lieu à l’œuvre. Je voulais faire des cadres en mortier (sable et chaux) pour pouvoir en faire des fresques, des cadres peints. Le résultat final, qui peut ressembler à du béton, mais qui n’en est pas, est en réalité le résultat amélioré d’un échec. Je n’ai pas encore réussi à faire tenir mon mortier de fresque sur cette matière grège qui devait fonctionner comme un apprêt.
J’ai évoqué plus haut un lien avec les fresques de la Renaissance italienne, mais as-tu d’autres influences artistiques personnelles que tu aimerais évoquer?
L’objet cinématographique m’influence considérablement. J’aime beaucoup les œuvres qui existent à travers plusieurs matériaux. Ces derniers mois il y avait une très belle exposition de Francis Alÿs à la galerie David Zwirner qui m’a beaucoup plus. J’ai découvert il y a deux ou trois ans le travail de Lucas Arruda qui me séduit toujours autant. Les trônes de Tarik Kiswanson. Une merveilleuse exposition de Abbas Kiarostami au Centre Pompidou cet année dans laquelle j’ai passé plusieurs heures. Les peintures de Prabakar Barwe, dont j’ai pu découvrir le travail dans une exposition à Mumbai en 2019, et la sculptrice Mrinalini Mukherjee qui était présentée à la biennale de Kochi, entre autres …
Travailles-tu actuellement à des projets ?
Beaucoup de projets personnelles, quelques projets professionnels qui se dessinent, mais il est encore tôt pour en parler.
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