« Mes peintures sont guidées par ce que je trouve autour de moi quand je les peins. » m’explique le peintre français Mathieu Cherkit, nouvel invité de Dans les yeux d'Elsa .

Tels des fragments, morceaux ou encore telles des vignettes, les peintures de Mathieu Cherkit sont autant d’ouvertures sur son quotidien et son environnement immédiat. Le choix de leurs formats viennent en donner une proximité certaine: comme avec l’œuvre  "Petit Pissenlit" qu’on imagine pleinement face à nous, prêt à être cueilli. 
Un environnement que le peintre observe soigneusement tout au long de la journée. Car l’artiste n’utilise jamais de photographies. Il leurs préfère l’observation sur le motif pour en saisir pleinement leur essence et travailler la répercussion de la lumière naturelle ou artificielle à différents moments de la journée. Alors si cette manière de travailler rappelle celle des impressionnistes, Mathieu Cherkit, quant à lui, n’hésite pas à apposer et retranscrire au sein d’une même composition ces différentes temporalités et éclairages.

De plus, la forme que prennent ses œuvres participent à les designer comme des fragments : les motifs débordent toujours du cadre structurel de la toile rendant leurs bords et formes irréguliers. Si le peintre peint toujours sur toile, sa technique d’empâtement de la matière vient en donner un caractère unique et rappelle par leur aspect l’idée de fragments de fresques. 

L’aspect et le rendu plastique de ses œuvres sont centrales dans l’œuvre du peintre. Si aujourd’hui le sujet acquière une importance tout autant égale à celle de l’acte de peindre, au départ la recherche de l’artiste était de se concentrer sur le médium de la peinture et le sujet n’en n’était que prétexte pour l’explorer.

Mathieu Cherkit est un peintre français. Après avoir étudié aux Beaux arts de Nantes et Hochschule fuer Grafik und Buchkunst à Leipzig, le travail de l’artiste a été exposé à de très nombreuses reprises en France et à l’étranger. Aujourd’hui le peintre est représenté par la galerie Xippas qui vient de lui consacrer une exposition personnelle dans leur espace parisien. 

La grande bagarre, 2022, huile sur toile, 100x81cm

Pouvez-vous vous présenter ? 

J’ai commencé la peinture à 23 ans. Le plaisir de peindre vient immédiatement, même sans compétence technique. Le simple fait d’étaler de la peinture m’apportait une satisfaction.
J’ai eu besoin d’expérimenter pour approfondir mes tentatives. 
Les Beaux-Arts ont été un temps utile.
J’ai donc étudié aux Beaux arts de Nantes et Hochschule fuer Grafik und Buchkunst à Leipzig.
J’ai terminé mes études en juin 2010, cette même année j’ai participé au salon de Montrouge.
C’est à ce moment que j’ai rencontré Jean Brolly avec qui j’ai collaboré 11 ans. J’ai donc fait mon premier solo avec la galerie Jean Brolly en 2011 s’en est suivi 4 autres solos, de nombreuses expositions collectives et foires.
Aujourd’hui la galerie Xippas représente mon travail.
J’ai aussi collaboré 5 ans avec la galerie Albada Jelgersma à Amsterdam.
" Je cherche à faire une peinture qui tient la route en utilisant mes yeux, l’image reproduite serait un intermédiaire entre le tableau et moi. "
Mathieu Cherkit
Petit pissenlit, 2022, huile sur toile, 22x14cm.
Petit pissenlit, 2022, huile sur toile, 22x14cm.
Vous semblez représenter votre environnement immédiat et proche : celui de votre lieu de vie. En revanche, chacun de ces espaces sont quasiment toujours dépourvus de la présence de l’homme. Pourtant, tout dans vos oeuvres suggère son récent passage: livres ouverts, vaisselles en cours.. Pouvez-vous nous dire quelques mots sur ce sujet que vous explorez de tableau en tableau? 

Le choix de peindre mon environnement s’est imposé en 2009 car je voulais me concentrer sur la Peinture. Je ne voulais plus utiliser de photos à ce moment-là. Le simple fait de peindre était transgressif, aujourd’hui le sujet figuré a repris de l’importance car la peinture n’a plus besoin de se justifier…
Je veux réaliser une peinture d’atelier proche de mon sujet.

Par cette suggestion du récent passage des habitants du lieu, il semble coexister dans un même tableau plusieurs temporalités. Est-ce quelque chose qui vous intéresse de ne pas figer une scène picturale dans une temporalité précise et de la rendre un peu « vivante » ? 

Le temps a toujours été une notion séduisante et une préoccupation universelle. J’ai souvent parlé d’espace, de territoire sans mettre en avant dans mon discours le temps de la peinture qui est long.
Je peins à l’atelier mais également sur le motif, la réalisation d’une peinture s’étale sur plusieurs jours voire semaines, certaines peintures intègrent la temporalité d’une journée, la lumière change, le temps avance.
Pour illustrer ce propos je pourrais parler d « Equilibre », le bas du tableau est éclairé par une lumière naturelle, le jour et le haut est éclairé par une lumière artificielle qui nous renvoie à la nuit.
Je peux également évoquer « La graine » et là je parlerais plutôt de peinture de saison car après la fleur, les pissenlits montent en graines.
Mes peintures sont guidées par ce que je trouve autour de moi quand je les peins. Une autre anecdote dans « Hat Tricks », les mouches au sol se sont imposés à moi car, à ce moment, il y avait des tas de mouches qui entraient dans la maison et terminaient leur vie sur le sol, cela se situe autour de fin juin.

Sur des tableaux de plus petites dimensions vous venez comme présenter un détail des scènes plus importantes. Qu’est - ce qui vous intéresse dans ces « close up » ? 

Un autre élément constitutif de mes tableaux est l’échelle.
Même si les sujets ne sont pas exactement à échelle 1, le sujet est guidé par le format.
Le complot, 2022, huile sur toile, 190x140cm
Le complot, 2022, huile sur toile, 190x140cm
Votre travail explore des scènes de vie quotidiennes. Cela me rappelle le travail de David Hockney, Edouard Vuillard ou encore Pierre Bonnard dans des styles différent du votre. Quelles sont vos principales influences créatrices? 

J’ai effectivement un grand intérêt pour les nabis, Monet, Hockney et l’école de Leipzig où j’ai étudié.
Mais je ne pourrai réduire cette liste à ces quelques noms car j’ai de nombreux peintres et artistes dont j’aime le travail.

Votre travail pictural renouvelle la question de l’espace et de la surface picturales. Allant au delà des limites structurelles du tableau, ce choix plastique donne beaucoup de relief à la peinture et en questionne ses propriété de 2D. Comment en êtes-vous arrivé à le matérialiser ?  Que recherchiez-vous ? 

Je cherche à faire une peinture qui tient la route en utilisant mes yeux, l’image reproduite serait un intermédiaire entre le tableau et moi.
Ce qui fait la particularité de mon travail, c’est de construire mes espaces peints sans photos et sans utiliser les règles de la perspective dite classique.

Finalement votre travail laisse une grande part au médium et à l’exploration de ce dernier. Les sujets que vous représentez sont-ils finalement un prétexte à peindre ou ont-ils une part égale à l’exploration des possibilités picturales dans votre travail et approche ? 

A l’origine, ce sujet était un prétexte pour me concentrer sur la Peinture et la questionner.
Aujourd’hui cet aspect est toujours là mais j’apporte aussi une plus grande importance à l’image de surface et donc au sens.
En revanche je laisse celui qui regarde libre de l’interprétation, je fuis la narration. C’est un peu comme des rébus ratés.
J’aime bien qu’il y ait différents niveaux de lecture car pour moi l’art doit être universel.
Zone blanche, 2022, huile sur toile, 100x81cm
Zone blanche, 2022, huile sur toile, 100x81cm
Pouvez-vous nous décrire votre processus créatif habituel ? 

Je commence par préparer mes fonds souvent très épais mais j’essaie de ne pas être dans une recette systématique.
A certains moments, je connais la destination des fonds, dans ce cas-là, je peux structurer la texture de la forme.
Je prépare des fonds également sans savoir où je vais, c’est une partie assez libre.
Ensuite une fois le sujet déterminé, je commence à construire l’architecture du tableau, les formes, la lumière et la composition. Toutes ces étapes se passent à l’atelier.
Par la suite généralement, je bascule sur le motif.
J’essaie de travailler le tableau jour après jour dans le même ordre pour saisir différents moments sur une même surface.
Quand j’arrive à un blocage, c’est à dire que je ne sais plus trop quoi faire de supplémentaire, je rebascule à l’atelier pour prendre de la distance et apporter des modifications nécessaires.
Un tableau peut durer plusieurs mois et, à des moments, je dois l’oublier pour mieux le voir.

Actuellement, vous avez une exposition personnelle dans l’espace parisien de la galerie Xippas qui représente votre travail. Avez-vous d’autres projets à venir à nous partager? 

Mon exposition dans l’espace de Xippas à Paris vient de se terminer.
Pour 2023 :
Je vais préparer un nouveau solo show pour Xippas qui sera à Punta del Este en Uruguay, je prépare également une exposition collective dans une galerie à Hong Kong.
Je participerai à quatre expositions collectives autour de la peinture contemporaine Française.
-Musée d’art moderne et contemporain, les Sables d’Olonne
-MOCO de Montpellier
-Musée Estrine de Saint-Rémy de Provence
-Musée des Beaux Arts de Dôle
La graine, 2022, huile sur toile, 46x38cm
La graine, 2022, huile sur toile, 46x38cm
Va et vient, 2022, huile sur toile, 116x89cm
Va et vient, 2022, huile sur toile, 116x89cm
Equilibre, 2022, huile sur toile, 230x180cm
Equilibre, 2022, huile sur toile, 230x180cm
Pour suivre l'actualité du peintre rendez-vous sur sa page instagram : https://www.instagram.com/mathieucherkit/
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