J'ai le plaisir de vous partager l’entretien que j’ai réalisé avec Louise Janet, étudiante aux Beaux-Arts de Paris à l’atelier Mimosa Échard.
Peintre et dessinatrice, Louise Janet est une artiste qui s’intéresse beaucoup à la représentation de son environnement proche dans des scènes quotidiennes et domestiques.
Pratiquant de manière égale le dessin et la peinture, l’artiste nous conte, à travers ces deux médiums une « épopée du banal », un quotidien qui est le sien et y dresse des portraits intimes de son entourage.
Le dessin, l’artiste le pratique quotidiennement depuis petite. Une habitude qui ne l’a jamais quittée. Des dessins qu’elle accumule dans des carnets et qui deviennent de véritables photographies, témoins et mémoires de sa vie.
« Ce qui avait été dessiné me semblait sauvegardé, préservé de l’oubli, et surtout j’avais le sentiment que ce qui avait été prenait un sens puisqu’il servait de matière à quelque chose qui survivrait au présent. »
Sa vie quotidienne participe aussi à ses créations picturales et prennent une nouvelle vie sur la toile par ses choix plastiques. Chez l’artiste, que l’œuvre soit de petite ou grande dimension, les objets y occupent toujours une place centrale et se font très éloquents. Portés par un regard toujours tendre et bienveillant, les objets ont toujours un rôle à jouer. Des scènes de genres, aux portraits, ils permettent aussi parfois de rencontrer l’artiste et de nous donner accès à tout ce qui la nourrit pour créer.
Par ses sujets universels, l’artiste parvient à nous rassembler. Les scènes représentées nous sont souvent familières et éveillent en nous des souvenirs personnels.
Peintre et dessinatrice, Louise Janet est une artiste qui s’intéresse beaucoup à la représentation de son environnement proche dans des scènes quotidiennes et domestiques.
Pratiquant de manière égale le dessin et la peinture, l’artiste nous conte, à travers ces deux médiums une « épopée du banal », un quotidien qui est le sien et y dresse des portraits intimes de son entourage.
Le dessin, l’artiste le pratique quotidiennement depuis petite. Une habitude qui ne l’a jamais quittée. Des dessins qu’elle accumule dans des carnets et qui deviennent de véritables photographies, témoins et mémoires de sa vie.
« Ce qui avait été dessiné me semblait sauvegardé, préservé de l’oubli, et surtout j’avais le sentiment que ce qui avait été prenait un sens puisqu’il servait de matière à quelque chose qui survivrait au présent. »
Sa vie quotidienne participe aussi à ses créations picturales et prennent une nouvelle vie sur la toile par ses choix plastiques. Chez l’artiste, que l’œuvre soit de petite ou grande dimension, les objets y occupent toujours une place centrale et se font très éloquents. Portés par un regard toujours tendre et bienveillant, les objets ont toujours un rôle à jouer. Des scènes de genres, aux portraits, ils permettent aussi parfois de rencontrer l’artiste et de nous donner accès à tout ce qui la nourrit pour créer.
Par ses sujets universels, l’artiste parvient à nous rassembler. Les scènes représentées nous sont souvent familières et éveillent en nous des souvenirs personnels.
Peux-tu nous décrire ton parcours ? A quel moment est entré ta pratique artistique dans ta vie et à quel moment t’es-tu dit que tu voulais te consacrer à celle-ci?
Je suis née en 1999. Après le lycée, j’ai suivi la formation préparatoire de Glacière pendant un an puis je suis rentrée aux Beaux-arts de Paris dans l’atelier de François Boisrond. Lorsque ce dernier est parti à la retraite, j’ai intégré l’atelier de Mimosa Échard.
Le dessin était déjà très présent dans mon enfance : je dessinais énormément, quotidiennement, et mes parents m’y encourageaient vivement. Pendant longtemps, j’étais surtout attirée par la bande-dessinée, par l’idée de pouvoir (me) raconter des histoires. À l’adolescence, je me suis mise à dessiner dans des carnets tout ce que je voyais. À la fois parce que cela me semblait être la manière la plus efficace pour progresser rapidement, mais surtout parce que je commençais à avoir une obsession -qui est restée présente dans mon travail jusqu’à aujourd’hui- de consigner chaque événement vécu. Ce qui avait été dessiné me semblait sauvegardé, préservé de l’oubli, et surtout j’avais le sentiment que ce qui avait été prenait un sens puisqu’il servait de matière à quelque chose qui survivrait au présent.
Puis, vers seize ou dix-sept ans, j’ai commencé à apprendre la peinture dans l’école municipale de la ville où mes parents habitaient. J’ai eu la chance d’y avoir une professeure qui était une très bonne peintre, et qui m’a beaucoup aidée tant du point de vue de l’apprentissage de la peinture, que dans mon désir de m’orienter vers des études artistiques.
" En peignant et en dessinant les personnes de mon entourage, les lieux qu’elles habitent, les objets autour d’elles, je veux parler de tous ces gens anonymes qui remplissent l’humanité, de toutes ces vies qui valent sans doute un roman et qui pourtant sombrent dans l’oubli. Je cherche la matière du « roman de nos vies », je la cherche partout, avec avidité, gourmandise. "
Louise Janet
Plusieurs de tes compositions présentent sur une petite surface un grand nombre d’éléments. Cet amoncellement, donne le sentiment qu’ils sont presque tous ramenés sur un seul et même plan. A ces éléments figuratifs s’ajoujent beaucoup de motifs très précis. Ils mettent au défi notre regard et nous nous plaisons à les admirer. Je pense notamment à « Car Stories » ou à « So far and here we are ». Qu’est-ce qui t’intéresse dans ce parti pris compositionnel? Et que souhaites-tu susciter chez le regardeur avec cet amoncellement ?
Effectivement, c’est le cas de mes dernières peintures qui sont de plus en plus petites et dans lesquelles j’essaie de faire entrer de plus en plus de choses. Récemment, je me suis mise à regarder assez attentivement les peintures hollandaises du XVII ème siècle. J’étais intéressée par les jeux formels des compositions : les successions de plan autour du sujet central créés par les portes, les rideaux, formant un cadre dans la peinture. Les ouvertures de l’espace pictural créées par les fenêtres, les tableaux ou les planisphères accrochés aux murs. J’étais également très séduite par la « gourmandise » avec laquelle les hollandais pouvaient peindre le moelleux d’un tapis, le velouté de la peau d’un fruit, le drapé d’un tissu, des éléments qui parasitent l’idée centrale du tableau, mais qui me semblent nécessaires, comme des parties « gratuites » de peinture.
Dans ces dernières peintures, la présence récurrente de motifs participe à cette sensation « d’amoncellement ». J’utilise les motifs parce qu’ils insèrent des espaces abstraits au milieu d’un ensemble figuratif.
Les motifs figuratifs, comme les fleurs ou les étoiles, m’intéressent car ce sont des représentations déjà stylisées, essencialisées, d’éléments du réel. Cette synthèse de la réalité permet une distanciation avec la représentation purement réaliste d’une image.
Les motifs figuratifs, comme les fleurs ou les étoiles, m’intéressent car ce sont des représentations déjà stylisées, essencialisées, d’éléments du réel. Cette synthèse de la réalité permet une distanciation avec la représentation purement réaliste d’une image.
Les intérieurs que tu représentes sont très éloquents: même s’ils sont toujours accompagnés d’une figuration, j’ai le sentiment qu’ils participent beaucoup au portrait que tu réalises. Chacun de ces intérieurs présentent et reflètent immédiatement la personne que tu représentes. Est-ce ce que tu recherches?
Pour moi, le corps d’une personne que je peins a autant d’importance que l’espace qu’il habite. La manière dont chacun s’inscrit dans son environnement donne beaucoup d’indices et offre un aspect narratif qui m’intéresse. Les intérieurs sont comme nos mémoires : plein d’objets, de souvenirs, de traces de nos habitudes, de nos goûts, de nos intérêts. Dans B17G, Pierre Bergounioux écrit « Tout homme (...) porte en lui la matière d’un livre, celui de sa vie. A coté des volumes réels, serrés sur les rayons des bibliothèques, s’étendent à perte de vue les rangs fantomatiques des récits qui jamais ne furent écrits. » J’ai reconnu dans ces deux très belles phrases l’intention qui m’animait à travers mon travail. En peignant et en dessinant les personnes de mon entourage, les lieux qu’elles habitent, les objets autour d’elles, je veux parler de tous ces gens anonymes qui remplissent l’humanité, de toutes ces vies qui valent sans doute un roman et qui pourtant sombrent dans l’oubli. Je cherche la matière du « roman de nos vies », je la cherche partout, avec avidité, gourmandise. En cela, j’essaie de créer ma propre mythologie, une mythologie de vie minuscule, d’oubliés, une épopée du banal.
Sur des grandes surfaces, tes toiles deviennent d’immenses panneaux qui exaltent la deux dimensions. Une multitudes d’images y sont représentées comme sur ton tableau « Atlas ». Et sur l’une de tes dernières compositions qui donne à voir ton atelier, tu y représentes des images de tes tableaux. Peux-tu nous parler de ces travaux ?
Utiliser la « deux dimensions » me semblait être une manière de parler de la peinture et de l’acte de peindre. Dans les peintures Atlas, Failed Painting in the Studio, ou encore Looking for news Pictures to paint, je voulais parler de la fabrique des images : comment la peinture se nourrit d’un grand nombre d’images (des images de l’histoire de l’art, de notre mémoire collective et individuelle, des images affectives, des images que l’on ne comprend pas...), de ratages (comme la peinture au centre de Failed Painting in the Studio qui donne son titre au tableau), de recherches, de reprises, de répétitions. Dans Looking for news Pictures to Paint, j’ai aussi voulu parler de la peinture dans sa matérialité en montrant les éléments de ce qui fait la peinture : une surface en deux dimensions, recouverte de taches de couleurs, faisant apparaitre à sa surface des formes, des accords colorés.
Ce travail minutieux doit demander beaucoup de temps. Peux-tu nous décrire ton processus créatif habituel pour les réaliser?
La première étape de mon processus de travail consiste à glaner beaucoup d’images : certaines que je découpe dans des revues, d’autres que je trouve dans des albums photos, mais aussi des dessins, des cartes postales. Je prends également beaucoup de photos que je consigne dans des dossiers dans mon ordinateur.
Je travaille sur beaucoup de toiles en même temps, surtout lorsqu’elles sont petites. Je met de plus en plus de temps à finir une peinture car je travaille davantage en glacis et en jus depuis quelques temps, ce qui nécessite de laisser la toile sécher et donc de la mettre de côté pendant plusieurs jours. J’aime bien la rigueur et la patience que demandent les petits formats. Je retrouve dans la minutie à laquelle je m’astreins un plaisir que j’ai dans le dessin, dans le côté presque mécanique du geste. A d’autres moments, la peinture demande d’être pleinement conscient, vigilant, pour pouvoir anticiper ce que telle sous-couche produira comme effet à la surface, ou quelle couleur fonctionnera à côté d’une autre.
Je fais souvent plusieurs versions d’une même peinture, jusqu’à que j’en sois satisfaite.
Je travaille sur beaucoup de toiles en même temps, surtout lorsqu’elles sont petites. Je met de plus en plus de temps à finir une peinture car je travaille davantage en glacis et en jus depuis quelques temps, ce qui nécessite de laisser la toile sécher et donc de la mettre de côté pendant plusieurs jours. J’aime bien la rigueur et la patience que demandent les petits formats. Je retrouve dans la minutie à laquelle je m’astreins un plaisir que j’ai dans le dessin, dans le côté presque mécanique du geste. A d’autres moments, la peinture demande d’être pleinement conscient, vigilant, pour pouvoir anticiper ce que telle sous-couche produira comme effet à la surface, ou quelle couleur fonctionnera à côté d’une autre.
Je fais souvent plusieurs versions d’une même peinture, jusqu’à que j’en sois satisfaite.
Tu as dessiné et peint beaucoup de scènes avec des enfants ou des adolescents. Qu’est ce qui t’intéresse artistiquement dans cette tranche d’âge?
D’abord car je peins et dessine beaucoup les personnes de mon entourage, et que je suis l’ainée d’une famille nombreuse recomposée. Mais ce qui m’intéresse surtout dans ces périodes de la vie, c’est que ce sont des âges où on est plus perméable au monde, aux autres, où tout est vécu très intensément. L’adolescence notamment, qui est un âge de transition entre l’enfance et l’âge adulte, une période de sa vie où l’on se construit, où l’on se cherche, où rien n’est encore figé.
Il y a sans doute aussi quelque chose que je regrette de cette période là, un regard plus « émerveillable », plus neuf.
Tu réalises aussi des portraits avec des plans serrés sur les visages, comme pour la peinture intitulée ‘Lovers’ ou encore ´Tomboy’. Ta démarche artistique est-elle différente pour ces travaux ?
Dans ces peintures au cadrage plus serré, j’envisage le portrait de la même manière que dans mes autres petits formats, qui s’apparenteraient sans doute davantage à des « scènes de genre » . C’est à dire que ce que je recherche n’est pas vraiment la ressemblance, la nécessité de pouvoir identifier le modèle, mais davantage de réussir à peindre l’idée, l’histoire que ce visage porte, de la même manière que ces idées ou ces histoires peuvent être portées par un espace ou un corps.
Beaucoup de tes peintures présentent des scènes dans des pièces et des moments intimes: tes personnages y sont représentés allongés, au repos et le format horizontal que tu choisis souligne leurs attitudes. Qu’est-ce qui t’intéresse dans ces moments ?
Je pense que c’est d’abord pour une raison assez pragmatique : je dessine beaucoup dans des carnets durant les périodes où je ne vais pas à l’atelier. Le fait de dessiner sur le motif nécessite que les temps de pose assez longs pour les personnes que je dessine, donc je choisis souvent de les représenter occupés à lire, à regarder la télé, à dormir... J’imagine que j’ai gardé le réflexe de privilégier ce genre de scènes dans mes peintures.
Mais c’est surtout que dans ces moments de repos, d’absorption dans une activité, de calme, que je ressens le plus une forme d’intimité avec la personne que je peins. Il y aussi le fait que la peinture, me semble indissociable, en tant que matériau, d’une forme de lenteur, et qu’il m’a toujours paru évident que grâce à cette propriété, la peinture était l’outil le plus adapté pour représenter une forme de langueur et de silence.
Tu emploies souvent le bleu. Cette couleur donne à tes tableaux une certaine nostalgie ou, en tout cas, les plonge dans une certaine idée du passé. Peux-tu nous en parler?
Je n’associe pas vraiment un sens symbolique à cette couleur. C’est plus une sorte d’affinité, une couleur que j’aime bien marier à d’autres. Il y a souvent des couleurs prédominantes pendant une période dans mon travail. Parfois, ce sont les sous-couches que je prépare à l’avance sur plusieurs toiles qui peuvent donner cette impression, d’autres fois, c’est le fait d’admirer l’usage de telle ou telle couleur dans le travail d’un peintre qui me donne envie d’essayer de l’imiter.
Quelles sont tes principales influences artistiques ?
La littérature et le cinéma sont des média qui m’ont influencée bien avant la peinture. Les Vies Minuscules de Pierre Michon, les écrits de Woolf ou Proust ont été très importants pour moi. Je trouve chez eux cette possibilité de donner un sens au temps qui passe, aux multiples et infimes sensations qui peuplent notre quotidien. Ils exaltent chacun ce qu’il y a de beau dans la subjectivité de la mémoire et de notre rapport au monde.
Les films de la Nouvelle Vague ont été ma première vraie émotion artistique. J’étais très touchée par ce rapport sans artifice à la réalité. J’aime particulièrement la « bavardise » des films de Rohmer ou de Rozier, le fait de discuter sans fin, de ne parler de rien, de ne pas trouver de réponses... Les films de Pialat me bouleversent aussi, dans leur violence, leur cruauté et leur tendresse.
Le premier peintre qui m’a donné envie de peindre a probablement été David Hockney, que j’ai découvert lors de la grande rétrospective qui a eu lieu à Beaubourg, lorsque j’étais en terminale. J’ai été évidemment tout de suite séduite par la beauté des couleurs, des sujets, par l’aspect ludique de son oeuvre. Et surtout, j’étais très enthousiaste devant ces peintures qui me semblaient si faciles à appréhender sans grand bagage culturel, tout en pressentant qu’elles pouvaient contenir, dans le même temps, plein d’autres niveaux de lecture.
Le premier peintre qui m’a donné envie de peindre a probablement été David Hockney, que j’ai découvert lors de la grande rétrospective qui a eu lieu à Beaubourg, lorsque j’étais en terminale. J’ai été évidemment tout de suite séduite par la beauté des couleurs, des sujets, par l’aspect ludique de son oeuvre. Et surtout, j’étais très enthousiaste devant ces peintures qui me semblaient si faciles à appréhender sans grand bagage culturel, tout en pressentant qu’elles pouvaient contenir, dans le même temps, plein d’autres niveaux de lecture.
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