Dans des peintures souvent de grandes dimensions, l’artiste nous invite à retourner en enfance ou à revivre en quelque sorte nos premières années d’adolescence. Aucune nostalgie ou idéalisme n’apparaît pour autant dans sa peinture. Ce sont toujours des images composites que la peintre construit à partir d’images glanées sur internet. Convoquant en revanche des objets ou des images propres à ces années, l’artiste permet à tout à chacun de s’approprier à son tour l’image représentée. Époque de construction identitaire, période transitoire et éphémère, l’artiste représente des objets qui l’incarnent pleinement. Comme ici sur la peinture intitulée « Summer », les personnages tout en longueur et statiques, placés au première plan, paraissent déjà trop grands et créent un contraste avec ces formes gonflables, volumineuses et bancales. Les personnages placés de cette façon tournent le dos à leur terrain de jeu en arrière plan et à l’univers saturé de couleurs, de lumières et d’objets qui brillent par leur emballages colorés et enveloppants. Telle une métaphore à une époque qui est déjà en train de passer, ces objets en laissent néanmoins une empreinte durable. Cette ambivalence et dissonance narrative se retrouve et se ressent toujours picturalement dans le travail de l’artiste : à des couleurs joyeuses et acides contrastent toujours des couleurs plus sourdes. 

Avec Lena Long nous avons échangé sur son approche du portrait et de la peinture figurative. L’artiste m’a également décrit ses principaux sujets de recherches et partagé son processus créatif habituel. 

Lena Long est une peintre française, après les Beaux-Arts de Lyon et de Cergy, l'artiste a assisté la peintre Apolonia Sokol pendant un an. Elle a ensuite décidé d’intégrer Beaux-Arts  de Paris et est actuellement en 5e année. 


" Je ne pense pas le portrait de manière littérale (dans l’histoire de la représentation) qui consisterait à représenter les traits d’un visage. Je charge autant un humain qu’un objet pour parler d’une vulnérabilité qui me touche. Passer par les objets me permet de faire un pas de côté. "

Lena Long

SUMMER, 2022, huile sur bois enduit (carbonate de calcium), 206 x 153 cm et détails de l’œuvre
SUMMER, 2022, huile sur bois enduit (carbonate de calcium), 206 x 153 cm et détails de l’œuvre
détail de l'oeuvre " SUMMER"
détail de l'oeuvre " SUMMER"
Peux tu te présenter ?  
Je suis née en 1997 à Lyon, vis et travaille à Paris. Après les Beaux-Arts de Lyon et Cergy j’ai assisté la peintre Apolonia Sokol pendant un an. Aujourd’hui je suis en 5e année au Beaux-Arts de Paris. 

Tu réalises un travail pictural figuratif. Quelle est la place du genre du portrait dans ton travail? Comment appréhendes-tu ce genre pictural dans ta pratique artistique ? 

Mon travail est aussi une histoire de portraits. Des portraits en creux de ceux qui sont partis, ont fui ou disparu. Leur présence restera signifiée par des objets aussi communs que lourds de représentation. De ces moments de partage, ne subsistent que les restes. Fossiles du présent, ils témoignent de rapports humains qui ont existé. Les objets d’aujourd’hui deviennent des signes - fantômes, silhouettes de pierres ou images usées. Ces témoins demeurent dans un présent qui ne passe pas. Je ne pense pas le portrait de manière littérale (dans l’histoire de la représentation) qui consisterait à représenter les traits d’un visage. Je charge autant un humain qu’un objet pour parler d’une vulnérabilité qui me touche. Passer par les objets me permet de faire un pas de côté.
MON CHATEAU DANS LE CIEL, 2022, huile sur bois enduit (carbonate de calcium), 24 x 33 cm
MON CHATEAU DANS LE CIEL, 2022, huile sur bois enduit (carbonate de calcium), 24 x 33 cm
Tu représentes souvent des portraits enfants ou adolescents. Qu’est-ce qui t’intéresse dans cet âge-là ? Que souhaites-tu mettre en avant? 

Mon affection va à la fin de l’enfance début d’adolescence. Elle incarne pour moi le seuil des violences - psychique, économique, climatique. En extirpant et en s’appropriant les forces et les élans de l’adolescence, le capitalisme se régénère. Le formes gonflables, enflées, fluos, plastiques, éblouissantes sont celles de ce capitalisme. Mais c’est aussi le temps des sororités et du primaverisme. Ce sont ces forces et formes que je cherche à peindre. Le lieu de toutes ces puissances.
Léa Le Floch à écrit sur un de mes tableaux « Néanmoins si cette violence nous est épargnée dans nombre de ses tableaux, sur lesquels elle représente des objets en lieu et place des personnes, elle devient latente dans SUMMER, dans ces regards de jeunes adolescents qui nous affrontent, mais dont les émotions – méfiance, haine, tristesse ? – demeurent indécidables, les intentions insondables. Entouré.es de l'atmosphère de “féérie un peu triste” si caractéristique du travail de Lena Long - châteaux gonflables, feux d'artifice -, iels font corps, comme iels peuvent, en équilibre les un.es par rapport aux autres – l'un.e d'entre iels est blessé.e. Face à elleux, j'éprouve un sentiment indéfinissable d'attendrissement et de malaise, déstabilisée par des personnages eux-mêmes vulnérables. »

Pour ton travail figuratif, quel est ton processus créatif habituel? 

Pour nourrir mon travail, je collecte des images sur internet afin de composer des représentations. J’y intègre des différentes natures d’images ( principalement piochée les réseaux sociaux - Meta, google, tik tok ) - identifiables à la culture de masse et ambigües dans leurs rapports aux joies enfantines et au consumérisme. La préparation du bois au carbonate de calcium sur lequel je peins me permet des parallèles d’effets avec la fresque, comme d’utiliser l’huile de façon sèche et rapide et permettre une colorimétrie sourde. Les couleurs acides côtoient des camaïeux de terre. J’utilise une matière crayeuse mais pour peindre des platiques.
De nouveau dans les couleurs il y a ce malaise et léger dégoût qui revient. Il en résulte aussi un aspect brulé, caniculaire. Les fluorescents sont dans la cendre, le sel et le goudron.
PARADIS, 2021, huile sur bois enduit (carbonate de calcium), 122 x 78 cm
PARADIS, 2021, huile sur bois enduit (carbonate de calcium), 122 x 78 cm
FUNNY BUNNIES NEVER MISS FAIRY TALES, 2021, huile sur bois enduit (carbonate de calcium), 39,8 x 51 cm
FUNNY BUNNIES NEVER MISS FAIRY TALES, 2021, huile sur bois enduit (carbonate de calcium), 39,8 x 51 cm
KITTEN, 2022, huile sur bois enduit (carbonate de calcium), 206 x 153 cm
KITTEN, 2022, huile sur bois enduit (carbonate de calcium), 206 x 153 cm
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