L’intimité que le peintre français Johan Larnouhet entretient avec ses sujets est certaine. Qu’il s’agisse d’un portrait, d’un paysage, d’une nature morte ou d’une scène de genre, l’artiste puise toujours son inspiration dans son environnement quotidien le plus proche. Il est une palette de motifs et constitue son répertoire de formes pour ses compositions. Si au premier abord son travail s’encre dans le réel, un réel particulièrement familier, le peintre ne souhaite pas pour autant reproduire fidèlement la nature et faire de ce quotidien son sujet principal. « La couleur et la composition sont une manière de mettre à distance ce que j’observe pour jouer picturalement avec » explique l’artiste. Il lui ouvre la voie vers de nouveaux horizons, outrepassant une simple représentation.
Pour ses portraits, si la ressemblance avec ses modèles est significative, l’artiste ne nous permet pas une confrontation directe avec ces derniers et choisit délibérément de dé-contextualiser leur représentation. Variant les points de vue et réalisant des cadrages plus ou moins proches au visage, les sujets portraiturés ne sont jamais mis en scène : ils ne posent pas et leur regard ne rencontre jamais le notre. Au contraire, plongés dans leurs pensées, absorbés dans une action, ils se tiennent imperturbables face à nous et ne semblent pas conscients de notre présence. Johan Larnouhet parvient à saisir leurs traits tout en se tenant à distance, à la périphérie entre l’espace pictural et le nôtre. Ainsi le spectateur tenu physiquement à l’extérieur, tente de s’en saisir et d’en percer le mystère.
À l’image de ses portraits désormais dé-contextualisés et pleinement centrés sur le visage du modèle, le peintre procède de la même façon dans l’établissement de ses grands formats. Car l’artiste choisit toujours d’extraire des fragments de divers lieux observés pour leur en donner une nouvelle existence dans une composition pleinement fictive. Cette façon de concevoir son paysage à l’image d’un collage, fait écho finalement à celui que l’artiste observe au quotidien : celui des chantiers qui génèrent des paysages de transition, où fleurissent des paysages insolites mêlant étrangement parmi des architectures plus anciennes, des structures temporaires et des architectures modernes. Ce paysage transitoire inspire le peintre et en sélectionnant certains éléments, le peintre en restitue poétiquement ce qu’il en a retenu.
Cette intention de collage visuel intéresse aussi Johan Larnouhet pour ses propriétés plastiques. Elle lui permet de mettre l’accent sur la matérialité de la peinture et de se concentrer sur les propriétés inhérentes à la peinture : l’exaltation de la couleur, la recherche de diverses textures et la construction d’un espace sur une surface plane et textile. Désormais, il ne s’agit plus d’un espace dans lequel on se projette mais bien d’une surface. L’artiste s’éloigne d’une vue perspective et privilégie une vision où tous les espaces semblent ramenés sur un même plan. Dans « Terrain vague», l’artiste accentue la verticalité de sa composition, incitant une mobilité du regard de haut en bas et dont les composantes sont redressées verticalement. Le hiératisme de l’arbre fait écho à la silhouette en pied de dos, faisant elle même écho à la végétation redressée. Ces verdures ne sont pas sans rappeler celles des tapisseries du Moyen Âge. Telle une tapisserie, la composition n’établît plus de hiérarchie entre les différents plans, entre les couleurs et le dessin. Les aplats de couleur suggèrent le passage d’un espace à un autre. Tous les éléments sont ainsi équitablement présentés à la surface de la toile.
L’œuvre de l’artiste se tient à la marge entre réalité et imagination, représentation et suggestion, proximité et distance. C’est toute sa complexité qui fait l’originalité de l’oeuvre du peintre français Johan Larnouhet.
Diplômé de l’Ecole des Beaux-Arts de Paris en 2013, Johan Larnouhet vit à Paris et travaille à Ivry-sur-Seine. Son travail est régulièrement exposé à Paris dans des expositions collectives : Dans les yeux d’Elsa (2023), Galerie Mathilde Le Coz (2022), S/D (2021), l’espace Bertrand Grimont (2020), Vitrine 65 (2019) l’espace Arondit (2019). La galerie Iconoscope à Montpellier lui a consacré une exposition personnelle en 2018. Récemment ses œuvres ont été exposées chez Mendes Wood DM Gallery à Bruxelles.