Dicté par son inconscient, le travail d’Hervé Priou, peintre français et nouvel invité sur Dans les yeux d'Elsa, questionne le réel et le monde. À travers ses peintures, souvent de petites dimensions et à la manière très naturaliste, l’artiste nous emmène dans un monde inédit dans lequel personnages, objets évoluent dans des espaces souvent dépourvus de repères spatio-temporels. Les sujets semblent y flotter ou se perdre dans des espaces abstraits et parfois infinis. Si l’artiste se laisse guider apparement par ses sujets, son travail plastique, quant à lui, est le fruit d’une longue réflexion et recherche picturale. Hervé Priou renouvelle sans cesse les formes et les formats de ses supports, les adaptant toujours au sujet qu’il choisit de représenter.
À travers son iconographie personnelle, souvent caractérisée par un certain onirisme ou une ironie, qui détourne parfois l’essence même des choses, Hervé Priou y définit son propre langage. Les titres mêmes de ses peintures s’affranchissent des espaces entre les mots. Ici encore, plus que d’y voir une lecture continue, l’artiste propose une autre manière d’appréhender les mots et d’en créer de nouveaux.
Plus qu’inventer, Hervé Priou détourne, réinvente et propose de regarder les choses, les êtres, autrement. Il n’y a pas forcément à mon sens de surréalisme dans son travail mais plus un regard libre sur les éléments et les choses constitutifs de notre monde et de notre quotidien le plus proche. Un monde que l’artiste observe avec attention et bienveillance et qu’il cherche à animer subtilement.
C’est un artiste pleinement libre qui ponctuera notre semaine et qui invitera le regardeur à les interpréter à son tour librement. Une peinture éloquente qui a la particularité de pouvoir nous interroger tous.
Dans cet entretien Hervé Priou revient sur sa façon d’appréhender ses sujets, sur sa manière de créer mais aussi sur son intérêt pour les choses qui l’environnent au quotidien.
À travers son iconographie personnelle, souvent caractérisée par un certain onirisme ou une ironie, qui détourne parfois l’essence même des choses, Hervé Priou y définit son propre langage. Les titres mêmes de ses peintures s’affranchissent des espaces entre les mots. Ici encore, plus que d’y voir une lecture continue, l’artiste propose une autre manière d’appréhender les mots et d’en créer de nouveaux.
Plus qu’inventer, Hervé Priou détourne, réinvente et propose de regarder les choses, les êtres, autrement. Il n’y a pas forcément à mon sens de surréalisme dans son travail mais plus un regard libre sur les éléments et les choses constitutifs de notre monde et de notre quotidien le plus proche. Un monde que l’artiste observe avec attention et bienveillance et qu’il cherche à animer subtilement.
C’est un artiste pleinement libre qui ponctuera notre semaine et qui invitera le regardeur à les interpréter à son tour librement. Une peinture éloquente qui a la particularité de pouvoir nous interroger tous.
Dans cet entretien Hervé Priou revient sur sa façon d’appréhender ses sujets, sur sa manière de créer mais aussi sur son intérêt pour les choses qui l’environnent au quotidien.
Peux-tu te présenter ?
Je m’appelle Hervé Priou, je suis né en 1990 en banlieue parisienne. J’ai commencé à peindre vers l’âge de 14 ans, je ne sais pas encore trop pourquoi mais le fait est que je me suis mis à transformer ma chambre d’adolescent en atelier et je ne me suis jamais arrêté de peindre depuis. Pour ce qui est de la formation, j’ai fait des études dans différentes écoles d’arts entre 2009 et 2018 ; notamment la Cambre à Bruxelles et les Beaux Arts de Paris où j’ai passé mon DNSEP. Depuis ce diplôme, je me suis installé en Corrèze, dans un tout petit village du plateau de Millevaches.
" Il n’y a pas de message dans mes peintures, mais comme il y a du langage, il y a des interprétations possibles. (...) Et comme chacun·e d’entre nous se fait une image toute singulière du monde, je préfère laisser mes peintures se débrouiller toutes seules. "
Hervé Priou
Ton travail fait coexister une manière très réaliste, emprunte de la peinture classique, avec des représentations, où des objets ou personnages évoluent dans des narrations fictives, très oniriques et satiriques. Que cherches-tu à souligner à travers ces représentations?
Ta question m’évoques deux pôles de la peinture figurative, le « comment c’est peint » et le « ce qui est peint ». D’un côté la matérialité de l’œuvre, sa plastique, et de l’autre, son iconographie. En ce qui me concerne, ces deux pôles sont indissociables et tout aussi important l’un que l’autre. Par contre, ce sont toujours les sujets qui déterminent le comment c’est peint, puisque ce sont eux qui viennent en premier. Pour les œuvres auxquelles tu fais référence, si le « comment c’est peint » se rapproche du naturalisme, c’est pour laisser toute la place au sujet ; plus le geste se fait discret, plus le sujet respire.
Les arcades reviennent souvent dans des peintures: tu les emploies comme motif dans des peintures et donnent un rythme ternaire à tes compositions (je pense aux oeuvres ’mainmelon’ ou "Jusquici ») ou alors elles sont la forme même de tes surfaces.
Que représente ce motif dans ton vocabulaire pictural?
C’est principalement une question formelle. Parfois certaines compositions appellent un dôme au dessus de leur tête. Et puis à l’inverse de l’angle droit, l’arrondi produit une continuité entre des côtés perpendiculaires, ça peut être utile pour induire de la fluidité à certains endroits.
Dans ces compositions rigoureuses prennent souvent vie des Natures mortes: elles semblent animées et prendre le rôle et la place des figurations. Leur essence même est alors détournée. Elles semblent réalisées telles des portraits. Je pense notamment à ton oeuvre « Quinces » ou encore « Left ». Peux-tu nous parler de ces travaux ?
Ça me fait plaisir que tu soulève ce point. C’est vrai que j’aime donner vie aux choses ; ou plutôt, j’aime peindre la vie des choses. J’imagine que c’est un rapport à la contemplation, à force d’observer les choses, on s’aperçoit que tout bouge tout le temps, ça rigole tout le temps, et ça danse, même quand ça paraît immobile. Alors quand je les peins, forcément ça transpire un peu et il y a quelque chose du mouvement qui vient s’immiscer dans l’image.
J’ai remarqué que quand l’objet reste dans sa fonction d’objet, il y a une ironie quant à leur usage : le pain est mesuré, une banane est au centre d’une composition tel un objet sacré… Que projettes-tu dans ces objets ou natures mortes ? Quel message portent-ils dans tes narrations?
L’ironie, c’est peut être le léger décalage qui permet de questionner le réel. En fait, les deux œuvres que tu cites fonctionnent sur des registres différents. Pour la banane, on pourrait vraiment la rattacher à la question précédente et à la sensation de personnification qui s’en dégage – je viens de la revoir, et j’avais oublié qu’elle avait quelque chose de tragique, cette banane. La peinture du pain mesuré est plus imagée, dans le sens où elle présente des signes que l’on peut interpréter. Il n’y a pas de message dans mes peintures, mais comme il y a du langage, il y a des interprétations possibles. En sommes, elles ne disent rien, car elles n’ont pas de langue, mais elles montrent des choses. Et comme chacun·e d’entre nous se fait une image toute singulière du monde, je préfère laisser mes peintures se débrouiller toutes seules. Chacun·e y voit ce qu’il ou elle veut et c’est amusant d’entendre des personnes me dire ce qu’elles voient dans telle ou telle peinture, c’est souvent très surprenant !
Dans tes travaux des personnages y prennent aussi vie : tu les représentes souvent nus et leur physionomie rappelle celle de la peinture classique au canon parfait. Pour autant, ces figurations sont projetées dans des décors qui n’indiquent pas toujours de repères spatio-temporels. Je pense à ta peinture « Temps » ou encore à « Entredeux ». Ou alors elles évoluent dans des univers dissonants (comme sur ta peinture « jusquici »). Peux-tu nous parler de ce parti pris de représentations ?
La plupart des compositions qui mettent en scène des personnages sont effectivement assez avares en marqueurs spatiaux et temporels. En y ajoutant la nudité, j’efface également les marqueurs sociaux que sont les vêtements. En général, l’image qui en résulte est comme suspendue hors du monde et du temps, elle fonctionne alors comme une parabole et c’est l’effet que je cherche. C’est aussi lié à la genèse de ces compositions, les sujets qui surgissent de mon inconscient m’apparaissent sans espaces, comme sur un fond vert de studio, ce sont des sujets hors-sol, un peu comme nous. Je les dessine pour leur donner forme, je cherche longuement, je fais beaucoup d’études pour la composition, ça me prend beaucoup de temps, alors que le sujet, lui, il est arrivé en une fraction de seconde. Donc, je cherche à donner forme à ce sujet et souvent il s’avère qu’il n’a pas besoin de contexte vraiment précis. Et puis si je représente des humains dans des espaces artificiels, c’est aussi une façon de me situer par rapport à l’histoire de l’art, car cette question de la place de l’humain dans le cosmos, évoluant à chaque époque, a toujours été intimement liée à l’histoire de la représentation.
Dans de deux de tes travaux tu sembles questionner l’image peinte: dans le premier intitulé « Rencontre » se font face deux toiles de petites dimensions tenues dans les mains de quelqu’un. Et le second intitulé « Portee » présente deux hommes nus tenant une surface blanche. Tellement blanche qu’elle devient réfléchissante. Que souhaites-tu traduire à travers ces représentations ?
Le point commun entre ces deux toiles, c’est le lien. Dans Rencontre, deux mains tiennent chacune un petit parallélépipède. Un visage apparaît sur la surface de celui qui nous fait face et il semble comme s’extraire de la planéité de cette surface, comme un passage de la deuxième à la troisième dimension. On peut y voir des petites toiles comme on peut y voir des smartphones, voilà un exemple de la multiplicité des interprétations que l’on peut faire. Donc, en lisant le titre, Rencontre, on pourrait imaginer qu’un second visage se trouve sur la surface qui nous fait dos. Et si l’on continue, sans les mains qui tiennent ces objets, pas de rencontre possible. Pour la toile Portée, une grande surface blanche, non peinte (c’est la préparation de la toile qui apparaît) est tenu par deux personnages qui pourraient être le dédoublement de la même personne. Chacun·e d’entre nous est pluriel·le, c’est une donnée sans laquelle il est difficile d’avancer ! Alors, peut-être qu’ici le lien entre ces deux parties s’opère dans la portée de cette surface peinte en devenir.
Tu sembles questionner également la surface et son support: par la forme que prennent tes oeuvres (parfois cintrées sur la partie haute ou arrondis au niveau des angles) et par les différents supports que tu emploies (papier, carton, toile, bois…). Peux-tu nous expliquer ces choix? Et le support et leur forme permettent-ils de mettre en avant les sujets que tu peints?
Les sujets sont toujours à l’origine du format. Comme je fais beaucoup d’études, le format se détermine à ce moment là et c’est en général assez précis. Parfois un centimètre de plus ou de moins change vraiment la composition (il faut dire aussi que mes peintures sont relativement petites). Et comme je peins sur de la toile tendue sur des panneaux de bois, j’ai l’avantage de pouvoir découper les formats exactement comme je le souhaite. Pour ce qui est de la toile, c’est une histoire de goût, celle que j’utilise est très fine, la trame du tissage n’apparaît quasiment pas, ce qui laisse donc plus de place aux traces laissées par les brosses et permet de travailler les glacis avec une certaine souplesse. Ensuite, chose très importante, l’accrochage. J’aime l’objet peinture. Dans une exposition, c’est souvent la tranche que je regarde en premier. J’imagine que c’est une déformation professionnelle ; quoi qu’il en soit, beaucoup de choses se disent à cet endroit là et j’y accorde donc une grande importance. Les panneaux de bois que j’utilise sont assez fins et j’utilise un système d’accrochage qui les détache du mur. Mes peintures accrochées sont comme flottantes. Sujet hors- sol, objet flottant.
J’ai comparé ton travail à la peinture classique et évoqué le surréalisme mais sont-ils des courants que tu regardes beaucoup? Quels sont les artistes qui t’influencent ?
Ils et elles sont si nombreus·es ! Évidemment je regarde beaucoup de peinture, mais je suis d’une nature curieuse et mon enthousiasme va aussi vers mille disciplines artistiques et mille domaines de la connaissance. Alors plutôt que de devoir choisir entre une liste aride et un monologue confus sur tout ce qui m’influence, je vais plutôt inviter à visionner une œuvre. Il s’agit d’une courte vidéo que l’on peut trouver sous le nom de Signers Suitcase (Kurhaus Weissbad), extraite du film Signer ici – En route avec Roman Signer (1995) de Peter Liechti. Ensuite, je ne vais rien en dire, tout y est.
As-tu des projets en cours à nous partager?
Oui je prépare une exposition pour fin avril. Toutes les toiles seront inédites ! Ce sera dans l’espace PBproject de la galerie Paris-B, rue de Turbigo à Paris. La date arrive bientôt.
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