Elsa Meunier - Elsa Leydier

Cette semaine, notre regard ne quitte plus les œuvres colorées de la photographe Elsa Leydier. Des photographies qui retiennent immédiatement l’attention par leurs tonalités vives et lumineuses, qui portent des sujets engagés. Ses images deviennent alors le support privilégié de l’artiste pour s’exprimer sur de nombreuses causes qui lui sont chères. Une grande partie de ses œuvres sont réalisées en Amérique latine et souvent au Brésil, là où l’artiste vit.
On vous propose d’aller à la rencontre de ce talent tout au long de la semaine, de vous plonger dans ses photographies et d’ouvrir grand vos yeux !

Portrait d'Elsa Leydier

Pourriez-vous nous faire une petite présentation de vous?

Après des études de langues étrangères, j'ai intégré l'École Nationale Supérieure de la Photographie d'Arles en 2012, et en suis sortie diplômée en 2015. Je vis aujourd'hui entre la France et le Brésil. Je réalise des travaux de commandes, mais développe aussi une pratique plus artistique à travers laquelle j'aborde la représentation des territoires par les images.

Les sujets que vous traitez sont très engagés (écofeminisme, écologie, politique) et vous les associez avec des couleurs très fortes qui appellent l'oeil. Est-ce un moyen d'adoucir le sujet ou justement d’en souligner l'importance ?

Un peu des deux!

Les couleurs vives, l'esthétique parfois "pop" présente dans mon travail est souvent pour moi une façon de parler des sujets graves de façon différente que la manière dont on peut les trouver dans la presse (ou dans d'autres représentations communes). Il s'agit pour moi de proposer un regard décalé de ceux que l'on a habituellement.

C'est notamment le cas pour la série Plátanos con platino, qui est une invitation à regarder un territoire avec un point de vue optimiste, en marge des récits souvent négatifs sur ce territoire qui circulent habituellement.

Mais cette esthétique est également pour moi une façon d'attirer les regards. Il est nécessaire que les spectateurs soient dans un premier temps visuellement attirés par une image afin qu'ils s'intéressent ensuite à ce qu'il y a derrière (souvent quelque chose que je souhaite dénoncer ou révéler).

Série 'Brazil: System Error'

Commande de la Maison Ruinart pour le Prix de la Maison Ruinart/ Paris Photo 2019

Vous assemblez différentes prises de vues ou images issues d’internet, que vous collectez, et assemblez, vous semblez utiliser divers supports, comme le verre, que vous superposez et accumulez parfois autour de la photographie. Votre processus de création nous intrigue beaucoup ! Pourriez-vous nous en parler ?

Les images m'intéressent plus pour leur rôle et leur pouvoir que pour ce qu'elles représentent. Le fait que les images que j'utilise dans mon travail soient extraites d'un contexte en particulier (par exemple d'une recherche Google, dans la cas de Brazil : System Error, ou encore qu'elles aient une fonction d'imagerie touristique, comme c'est le cas pour les timbres et cartes postales d'Esgotados) détermine mon intérêt pour ces images, plus que ce qu'elles représentent.

J'adapte à chaque fois, dans chacun de mes travaux, le matériau ou la technique au sujet et à ma démarche. La technique va venir faire pleinement partie du discours, comme une strate de plus. Voilà pourquoi c'est parfois le collage qui sera pertinent, parfois l'impression de photographies sur des matériaux différents que le papier classique...

Nous avons remarqué que parfois une lumière vive, colorée, voire aveuglante se retrouvait dans la composition de vos travaux. Elle donne un aspect très pictural à vos photographies. Est-ce vers quoi vous souhaitez tendre ?

Si je comprends bien, cela découle tout simplement du fait qu'il est important pour moi de ne pas délivrer un regard sur le monde/ce que je photographie depuis un seul point de vue. Le fait de "voiler" en partie mes images avec des tâches de couleur ou des aplats de lumière me permet de nuancer ce que je photographie, de le situer comme une strate à travers nombre d'autres strates.

Mais peut-être que vous voulez parler des contre-jours, que j'affectionne particulièrement (encore une manière pour moi de regarder les choses depuis un angle non conventionnel!).

Série (C2H4), Prix Dior de la photographie pour jeunes talents, 2019. Les Rencontres Internationales de la Photographie d'Arles

Vos travaux personnels prennent pour décors les pays de l’Amérique latine et notamment le Brésil où vivez. Qu’est ce qui vous attire particulièrement dans les pays de ce continent ?

Premièrement, l'Amérique latine est un continent très fantasmé depuis l'Europe, et donc avec des représentations visuelles fortes et très stéréotypées dans les imaginaires. Et c'est justement ce genre d'images que j'aime déconstruire. En confrontant les images stéréotypées que j'ai eu pendant des années sur ce continent à l'expérience que j'en fais et aux récits que j'en entends en vivant sur le territoire, c'est là que se produit le "choc" qui déclenche mon inspiration.

Ensuite, l'Amérique latine est un continent fait de tant de strates historiques, de récits contradictoires, de contrastes à beaucoup de niveaux, et même souvent de paradoxes... Que cela rend impossible la représentation par une image ou un discours unique. C'est pourtant bien ce que font ces images de type cartes postales, ou les images diffusées par les agences de voyage/tourisme/compagnie aériennes etc., qu'il me tient à cœur de déconstruire dans mon travail. Ce que je fais en proposant d'autres images, ou en démultipliant les points de vue.

Série Brazil : System Error

Quelles sont vos inspirations dans votre processus créatif ?

Comme je l'ai dit plus haut, les paradoxes m'inspirent beaucoup. Je navigue dans mes recherches entre des représentations vernaculaires, parfois stéréotypées, et des et des histoires que j'entends autour de moi, lis dans la presse...

Malgré la situation, avez-vous des projets?

En effet beaucoup de mes projets ont été annulés ou reportés. J'avais prévu d'être en ce moment en train de travailler sur le premier volet de mon projet sur l'écoféminisme, en suivant les traces d'une femme brésilienne activiste pour l'environnement qui a été assassinée l'année dernière.

Ce voyage est reporté compte tenu de la situation actuelle, et je tente d'avancer tout de même sur ce travail d'une autre manière.

Le festival 100% qui devait se tenir ces jours-ci à La Villette, et dans lequel je devais présenter Plátanos con platino a du s'arrêter en plein montage... On croise les doigts pour qu'il y ait une possibilité de le reporter à l'année prochaine.

L'exposition Cell Signals à laquelle je participe avec the Free Mind Collective devait se tenir en ce moment à SF CameraWork à San Francisco... Il devrait y avoir une version en ligne de l'exposition disponible très prochainement.

Certaines de mes photos de Plátanos con platino seront exposées dans plusieurs stations de métro parisiennes à partir du mois prochain avec la RATP et Paris Experience Photo.

Le festival Kyotographie où je devais montrer mon travail Heatwave réalisé pour le Prix de la Maison Ruinart dont j'ai été la lauréate 2019 a été reporté, il devrait avoir lieu en Septembre.

D'octobre à Janvier je ferai partie de l'exposition (au magnifique titre) Les Mauvaises Herbes Résisteront, avec 3 autres femmes artistes, avec le CACN de Nîmes.

Commande de la Maison Ruinart pour le Prix de la Maison Ruinart / Paris Photo 2019

Retrouvez l'ensemble des photographies d'Elsa Leydier sur son site internet:

http://elsaleydier.com/fr/