Je suis heureuse de vous présenter l’artiste géorgienne Elené Shatberashvili et de vous partager notre échange. 

A travers son travail, Elené Shatberashvili traduit plastiquement son histoire personnelle et son intériorité. Ses différentes scènes placées dans des espaces intérieurs et domestiques l’expriment pleinement. De même que les objets, dans la peinture d’Elené Shatberashvili, se chargent d’une symbolique pleinement personnelle. Par la récurrence de ces derniers, leurs répétitions et la façon dont ils sont disposés dans ses compositions, l’artiste en souligne leur importance. À l’image ici de la reproduction à droite du tableau du portrait intitulé « L’actrice Margarita » de Niko Pirosmani qu’Elené Shatberashvili représente à plusieurs reprises dans ses tableaux.

Alors si l’artiste nous fait à priori le récit de sa vie et que sa peinture faire œuvre d’autobiographie, néanmoins, elle ne réalise par une peinture pleinement réaliste et explicite. La peintre maintient une certaine distance et cherche à libérer le regard du spectateur : l’artiste a souvent recours aux miroirs, aux vitres ou encore aux écrans, dans lesquels s’ouvrent de nombreuses perspectives. Enfin, c’est aussi par sa manière de se représenter et de figurer les objets que l’artiste y parvient: quand certains éléments sont très figurés, d’autres s’effacent progressivement voire disparaissent dans la matière. De même pour sa propre représentation qui évolue de tableaux en tableaux : parfois très réalise, la peintre vient réduire son visage à l’essentiel tel un masque (cf « Autoportrait aux icônes #1 »). 
Ce processus d’abstraction des formes, a amené récemment l’artiste à réaliser une peinture abstraite.

Avec Elené Shatberashvili nous avons échangé sur son rapport à la figuration dans sa peinture, sur son iconographie et ses motifs de prédilections. Enfin, la peintre est revenue sur ses principales influences artistiques. 

La peintre Elené Shatberashvili

© Sopho Kobidze

Peux-tu te présenter? 

Je suis née en Géorgie en 1990 et j’ai grandi dans la Géorgie post soviétique. J’ai toujours peint et dessiné mais j’ai mis beaucoup de temps à décider à devenir peintre.
Même aujourd’hui j’ai des doutes, souvent. J’ai fini l’école des Beaux-Arts de Paris en 2019 et je partage ma vie entre la France et la Géorgie.

" Je voudrais casser de plus en plus mes propres limites et mes zones de confort. L’abstraction me permet de me libérer dans le geste, la couleur, les formes aussi. "
Elené Shatberashvili

Dreaming of love, 2020, huile sur toile et collage, 100 x 80 cm (détail)
Dreaming of love, 2020, huile sur toile et collage, 100 x 80 cm (détail)
Dans chacun de tes tableaux tu accordes une place importante au décoratif et chaque objet semble chargé d’une symbolique particulière. Quels rôles jouent les objets dans tes compostions et que disent-ils dans tes oeuvres?

Je peins des objets qui ont une certain valeur émotionnelle pour moi. Cette valeur est incarnée par l’objet et mise en évidence par sa disposition précise et ordonnée sur la surface de la toile.


Le miroir est d’ailleurs un objet qui revient très souvent dans ton travail. Peux-tu nous dire quelques mots sur ce motif et ce qu’il permet dans tes narrations?

Le miroir est comme une fenêtre qui regroupe un certain nombre de l’information et l’enferme dans un cadre. C’est aussi un objet qui amène de la profondeur et qui brouille la lecture de l’espace. J’aime bien quand dans la toile il y a des espaces où le regard peut fuir dans l’imprécis.
 Nature morte au miroir (détail), 2018, 50 x 30 cm
Nature morte au miroir (détail), 2018, 50 x 30 cm
Dans tes tableaux figuratifs, j’ai remarqué que tu laissais souvent une part au vide. Soit tes compositions sont dépouillées (c’est le cas pour l’oeuvre « Dreaming of love ») ou soit certains espaces délimités sont comme « vidés » de toute figuration. C’est le cas pour les oeuvres « Autoportrait aux icônes 1 » et « Autoportrait aux icônes 2 ». A l’arrière plan nous reconnaissons un mur avec la représentation d’une galerie de portraits qui y sont accrochés. Mais nous n’en percevons que des silhouettes et parfois celles-ci disparaissent au profit de cadres recouverts de jaune ou blanc. Comme si les portraits avaient été effacés. Que souhaites-tu mettre en avant avec les espaces vides? Et peux-tu nous dire quelques mots sur ces deux oeuvres?

Je rejoins ma réponse de la question précédente. Je voudrais que le regard trouve une échappatoire sur une surface qui est chargée par beaucoup d’informations.


Dans plusieurs de tes tableaux figuratifs tu as progressivement intégrés des espaces abstraits comme dans l’oeuvre « Conversation #1 ». Et à l’exposition intitulée « Dance of Life » à la gb agency tu as présenté une oeuvre abstraite. Peux-tu nous parler de ce travail ?

Je voudrais casser de plus en plus mes propres limites et mes zones de confort. L’abstraction me permet de me libérer dans le geste, la couleur, les formes aussi. Pour l’instant, ce travail est très jeune et j’espère aller plus loin….


Dans l’oeuvre intitulée « Repas un » tu représentes une table inclinée vers nous et tu y figures dessus des formes comme si elles avaient été préalablement découpées dans du papier. Peux-tu nous parler de cette iconographie ? Et est-elle une référence à Matisse?


J’ai souvent cité Matisse dans mes toiles. Je ne sais pas si ce tableau en fais parti ou pas. J’ai plus regardé les icônes et fresques de la Cène dans l’art orthodoxe byzantin, ainsi que Pirosmani. Je voulais représenter une grande table comme une forme géométrique, qui réunirait des gens. Et même s’ils sont réunis ils sont tous enfermés dans leurs pensées.
 Repas un, 2019, huile sur toile, 180x150cm
Repas un, 2019, huile sur toile, 180x150cm
Dans la plupart de tes tableaux tu t’y représentes. Que te permet le genre de l’autoportrait dans ton travail?

Mon corps est le modèle toujours disponible que je connais le mieux et avec qui je suis le plus à l’aise. Je pense que le portrait est réussi quand la personne dessus est vivante et transmet sa personnalité à travers le regard et l’expression. Ça exige la transcendance de certaines limites entre le peintre et le modèle. Par ma timidité j’ai du mal à m’imposer de cette manière à des personnes autour de moi. Alors que ce problème ne se pose pas avec moi-même.

Quelles sont tes principales influences artistiques?

Cela change tout le temps. En ce moment c’est mes copines géorgiennes Sopho, Natalia et Mariam.

Actuellement quelques unes de tes oeuvres sont présentées dans une exposition collective à la gb Agency gallery à Paris et aussi certains de tes dessins y sont exposés à la galerie Jousse, à Paris. As-tu d’autres actualités à venir à nous partager ?

Oui, je vais participer à l’exposition de groupe avec mes amis à la fondation Pernod Ricard le 18 avril.
Je vais aussi participer à l’événement caritatif pour l’Ukraine chez Tajan.
 Autoportrait avec des icônes #1, 2018, huile sur toile, 130 x 96 cm
Autoportrait avec des icônes #1, 2018, huile sur toile, 130 x 96 cm
 Conversation #1, 2022, huile sur toile, 130x100 cm
Conversation #1, 2022, huile sur toile, 130x100 cm
Mariage, 2018. Huile sur toile, 22 x 16cm
Mariage, 2018. Huile sur toile, 22 x 16cm
huile sur toile, 2018
huile sur toile, 2018
Autoportrait à la robe rouge, 2020, huile sur toile, 100 x 80 cm
Autoportrait à la robe rouge, 2020, huile sur toile, 100 x 80 cm
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