Si à première vue nous serions tentés d’employer un vocabulaire propre au médium photographique pour décrire l’univers pictural de l’excellent David Weishaar, cela limiterait bien son geste artistique. En effet, à l’image d’une image photographique les peintures de David semblent avoir été comme « surexposées »: les détails disparaissent dans la matière et les surfaces sont aplanies par une lumière éblouissante, gommant tout sur son passage. Pour autant, l’artiste, avec sa pratique picturale, vient en donner une tout autre dimension et force.
Proche de ses sujets, les personnages sont souvent présentés frontalement à nous. Si l’artiste nous fait alors à priori le récit de sa vie, David Weishaar parvient toujours à nous maintenir à distance de ses sujets en jouant de ses contrastes chromatiques et lumineux. C’est au moyen de touches de couleurs vives et d’aplats colorés, brossant certains de ses fonds, que l’artiste donne vie à ses scènes et nous offre un certain accès à ses représentations. Entre figuration et abstraction, l’œuvre de David Weishaar danse subtilement.
C’est aussi une invitation au rêve que l’artiste parvient à matérialiser. Car, déchargées de toutes prises avec le réel, notre esprit vagabonde librement à travers sa palette de couleurs oniriques et ses sujets évanescents. C’est à mon sens ici la grande force et la dextérité de l’artiste David Weishaar dont je suis particulièrement heureuse de vous partager son travail et de vous révéler ici ses mots qu’il m’a confiés récemment.
Avec David nous sommes revenus sur ses recherches artistiques, sur son processus créatif mais aussi sur ses questionnements quant à la figuration et les codes qu’elle implique.
C’est à travers le regard de l’artiste David Weishaar que notre semaine brillera.
C’est aussi une invitation au rêve que l’artiste parvient à matérialiser. Car, déchargées de toutes prises avec le réel, notre esprit vagabonde librement à travers sa palette de couleurs oniriques et ses sujets évanescents. C’est à mon sens ici la grande force et la dextérité de l’artiste David Weishaar dont je suis particulièrement heureuse de vous partager son travail et de vous révéler ici ses mots qu’il m’a confiés récemment.
Avec David nous sommes revenus sur ses recherches artistiques, sur son processus créatif mais aussi sur ses questionnements quant à la figuration et les codes qu’elle implique.
C’est à travers le regard de l’artiste David Weishaar que notre semaine brillera.
Pouvez-vous vous présenter?
Né en 1987 à Haguenau/France, David Weishaar est diplômé d’une Licence en Histoire de l’Art et en Arts Visuels (2009) de l’Université de Strasbourg, puis du Bachelor (2011) et du Master en Arts Visuels (2013) de l’ECAL-Ecole Cantonale d’Arts et de Design de Lausanne. Il vit et travaille à Lausanne.
Je peins et dessine depuis mon enfance, et c’est avec mes plusieurs formations en art que le médium de la peinture s’est cristallisé et imposé comme moyen d’expression premier, ne sachant finalement pas faire grand chose de plus.
" L’absence, souvent, de distance entre ma vie privée et le contenu narratif de mes toiles souligne sans doute une appartenance à l’ère numérique où le privé se représente tout en jouant de multiples filtres."
David Weishaar
Vos toiles ont la particularité d’être comme surexposées. Vos personnages tendent à disparaitre dans la matière. Vous les révélez par l’usage de la couleur pour des éléments précis: de décors ou de vêtements, par exemple. Cela engendre des contrastes visuels forts. Pouvez-vous nous parler de ce parti-pris pictural?
Mes recherches se centrent sur les manières de raconter une histoire sens en dévoiler l’intrigue : des situations, des gestes, des individus et des moments captés dans mon quotidien, sont autant d’éléments que j’associe dans mes peintures. Eclairées d’une même lumière pâle et traitées en transparences, les personnages évoluent entre effacement et apparition, traduisant l’état incertain des sujets que je représente.
Cette surexposition aplanit vos scènes et fait perdre tous repères spatio-temporels. Ce sont parfois des scènes intimes que vous représentez. Cette technique est-elle également pour vous une façon de suggérer sans trop révéler ? Ou est-elle pour vous une façon de souligner un aspect onirique à vos oeuvres?
Le lien entre le rêve et la réalité représente mon bassin d’expérimentations, m’ouvrant l’accès à des auto-fictions qui sont comme plongées dans un souvenir brumeux.
Mon travail concerne la proximité - la proximité de la surface de mes peintures, des mes sujets et du spectateur. Je vois la peinture comme un conduit entre le spectateur et moi, à travers laquelle mes expériences deviennent palpable ou sensible.
Tenant absolument à une forme de narration, je souhaite que la toile « parle » bien d’individus réels charriant avec eux une histoire singulière et forte qui m’a personnellement émue.
Mes modèles sont des ami.e.x.s.
Mes tableaux déroulent donc plusieurs récits : celui d’une rencontre affective, d’une histoire commune et celle d’un témoignage. C’est pourquoi mes peintures figuratives, « anecdotiques », sont aussi allégoriques, elles retracent une relation immédiate et une histoire. En peinture, le moyen de donner le récit d’une histoire - d’autant plus quand elle est chargée sociologiquement ou politiquement - est de recourir à des symboles qui évoquent en signifiant.
La simplification des formes participe également de l’aspect symbolique : l’anatomie des modèles est épurée et évanescente, ils.elles n’appartiennent à aucun lieu précis. Les décors sont en majorité des scènes abstraites où le récit pictural égrène des anecdotes signifiantes.
Les portraits dans mes peintures ne dépeignent pas réellement une psychologie ou une présence quelconque, mais une figure particulière d’un récit peut-être plus large : représentation du corps, du genre, de minorités…
L’absence, souvent, de distance entre ma vie privée et le contenu narratif de mes toiles souligne sans doute une appartenance à l’ère numérique où le privé se représente tout en jouant de multiples filtres.
Il y a dans vos images une dimension très photographique dans le rendu final. Votre technique picturale semble traduire au moyen de la peinture des effets propre à la photographie: surexposition, solarisation, brillance ou encore par le choix de cadrage. Certaines de vos peintures rappellent également des photographies imprimées et colorées ensuite (l’exemple de l’oeuvre « Wings »). La photographie entre-elle dans votre processus créatif? Pouvez-vous nous dire quelques mots sur la façon dont vous appréhendez vos créations habituellement?
Dans mon processus, je recherche des affinités entre des textures, des signes ou des relations entre les couleurs et des moments de ma vie, allant du banal au symbolique. Les différentes manières dont j’approche la surface du tableau, articulent ma relation à l’image et façonnent son récit émotionnel. Mes peintures, réalisées à partir de mes propres photographies ou de dessins d’observation, représentent des personnes qui me touchent dans mon entourage.
L’usage de la couleur blanche ou de camaïeu de tonalité très claires (bleu, vert et rose « aciers » notamment) semblent constantes dans votre oeuvre. Pouvez-vous nous dire quelques mots sur votre palette et sur ce qu’elle vous permet de révéler?
Je considère les images que j’exploite comme un signe pointant vers l’univers psychologique de la peinture - les couleurs et textures de leur côté, apportent leur poids émotionnel.
La palette est donc relativement intuitive ou liée à une obsession du moment, même si parfois j’utilise certaines couleurs de part leurs connotations ou leur appartenance à des clichés (de genre par exemple). Je dirais, dans l’ensemble, qu’elle m’aide surtout à négocier avec les rapports de lumière.
J’essaie de créer un lien avec le spectateur qui parle de sensations partagées, de corps que l’on habite. Influencé par des personnes que j’admire et mettant en avant la couleur et le geste, j’apporte de mon côté, mon expérience, mon regard en tant qu’homme blanc gay, qui en est un parmi d’autres.
Vous présentez essentiellement des personnages masculins et vous semblez également vous y représentez. Comment procédez-vous pour vos toiles?
L’écriture et la photographie se sont ajoutées à ma pratique au fil des ans comme prélude à mes images, elles m’accompagnent dans la construction de mon travail pictural. La certaine évanescence des personnages représentés me permet effectivement de garder une distance quant au scènes que je représente, et cela participe sans doute de la part d’onirisme injectée dans mes peintures.
L’amour, le désir et l’intime occupant un place centrale dans mon travail, c’est pourquoi la représentation du corps dit ou assigné « masculin » est récurrente mais pas que. Ce qui m’intéresse justement est de questionner ces notions de masculinités et de féminités (ou d’efféminité) qu’on nous martèle dans nos sociétés et dans histoire de l’art.
Je photographie donc mes modèles, ou dans certains cas elles.eux m’envoient les images après avoir discuté de poses à prendre. C’est une manière pour moi d’avoir une première approche de la scène que je souhaite représenter, définir le cadrage, penser à la couleur, à la lumière etc…
Les fleurs et les fleurs noires, notamment, composent régulièrement vos surfaces: elles sont soient le motif de vos toiles, soit elles viennent révéler vos personnages. Pouvez-vous nous parler de ce motif?
Les fleurs également apparaissent régulièrement dans mes compositions, notamment dans ma dernière série Fleurs de Garçon : l’idée de base et la sélection de fleurs spécifique, vient de surnoms (insultes portant le noms de certaines fleurs) qu’on donnait aux membres de la communauté LGBTQ+ pour les designer : pensies, lilies etc… Le fait que certaines soient noires apporte une charge symbolique, mais ce qui m’intéressait notamment dans Orpin Rose et Neurasthenic Fantasy c’est l’idée de la persistance rétinienne, comme à trop fixer le soleil, on croit voir voler obstinément une tache noire devant ses yeux.
Quelles sont vos principales sources d’inspirations?
Mes récents travaux se sont penchés sur la période du parallélisme de Ferdinand Hodler, que j’ai beaucoup aimé me réapproprier, il s’agit effectivement d’un peintre qui me suit depuis des années, tout comme Francis Bacon ou Luc Tuymans. Mais ce qui m’enchante, m’émeut, me stimule le plus c’est de voir l’arrivée en force d’une toute nouvelle génération de peintres, notamment queer, qui me bouleverse de part leurs engagements et la puissance de leurs images : il y a une excellente scène à Paris, Apolonia Sokol, Jean Claracq, Simon Martin etc…, et par exemple Louis Fratino, Doron Langberg, Jenna Gribbon, Anthony Cudahy etc… d’un point de vue international.
Quand pourrons-nous admirer vos peintures en vrai?
Mon travail est en ce moment visible dans l’exposition Bright Shadows à la Galerie Daniele Agostini de Lugano, et j’ai quelques projets en cours qui se concrétisent, que je me réjouis de partager prochainement.
Pour continuer d'admirer le travail de David Weishaar,
rendez-vous sur son site:
Et sur son IG :