Des femmes géantes, puissantes mais jamais menaçantes peuplent les peintures de la rayonnante Annabel Faustin. 
Tout en rondeur et en douceur, l’artiste personnifie ses questionnements, ses émotions à travers la physionomie de ses personnages ou plutôt de son personnage. Vous le verrez, de tableaux en tableaux et au sein d’une même composition, les personnages adoptent une apparence similaire. Car oui Annabel Faustin privilégie la représentation et surtout la matérialisation de son intériorité et de sa sensibilité. À travers son travail pictural, c’est tout un monde intérieur qui prend vie. Et les corps de ses personnages font même apparaître les lieux qu’ils rêvent et que leurs pensées leurs dictent. 
Ce personnage féminin central dans la composition se fait également central dans la représentation : il est à la fois la figure, le sens, l’atmosphère et le décor. 
L’art d’Annabel Faustin fait dialoguer le monde visible avec le monde sensible. 
Tout en courbe, c’est une peinture apaisante qu’offre l’artiste. Mais c’est aussi une peinture résolument inspirante et pleine de vitalité, que ce talent nous transmet. A travers ses femmes à la force tranquille, Annabel Faustin explore des sentiments universels, des thèmes et des sujets résolument contemporains mêlés, souvent, à une iconographie propre à sa région natale ou à des références assumées à l’Histoire de l’art. 

Guidés par ses personnages féminins, nous rencontrons, à travers eux, l’univers inspirant de l’artiste. 

Peux-tu te présenter?
Je m’appelle Annabel Faustin et je viens de fêter mes 32 ans début Mai.
L’Art et la peinture ont toujours eu une place primordiale dans ma vie, comme quelque chose de si noble que je n’osais même pas rêver devenir artiste à plein temps. Je suis donc devenue designer dans le milieu du luxe pendant plusieurs années. Or il y a 4 ans, j’ai commencé à repenser en idée fixe à mon père qui était pompier et artiste à coté, mais qui n’avait pas eu la chance vivre son rêve car il est mort en service quand j’étais enfant. Je me suis donc dis que la vie n’attendait pas et que si mon vrai rêve était d’être peintre, il fallait que je le fasse. J’avais tant d’idées et d’envie, mais jamais une minute à moi dans mon ancienne vie. Alors j’ai commencé à poster mes peintures sur les réseaux, et j’ai reçu tellement de commandes que j’ai fini par quitter mon travail. Et depuis, je me dis que c’est la meilleure décision de ma vie et paradoxalement la plus sensée.

" Le vêtement, les objets, j’aime que mes peintures soient profondément ancrées dans notre époque et que dans 10 ans, on puisse se dire : ce tableau date de 2020. "

 ‘Le Monologue de Minuit’, 2021, 130x97cm.
‘Le Monologue de Minuit’, 2021, 130x97cm.

Ton univers est majoritairement féminin et tu explores beaucoup le genre du portrait. Tes peintures sont jalonnées par la représentation de portraits de femmes: tantôt seule, tantôt par deux ou en groupe. La représentation que tu fais de ces femmes semble être incarnée par un même personnage que tu déclines de tableaux en tableaux. Car, même dans tes portraits collectifs, leur représentation est la même tant du point de vue de leurs visages que de leurs allures. Peux-tu nous parler de ce personnage et de ce parti pris de représentation?

Au fur et à mesure de mes tableaux, j’ai eu le désir de m’éloigner de cette envie de faire une ‘belle image’ pour privilégier l’émotion. C’est à ce moment là où j’ai véritablement commencé à peindre librement et à prendre plus de risques. Cette émotion que j’ai en tête, c’est avant tout la douceur et le réconfort. Dans mes peintures, tout est plutôt rond, doux et rassurant.
Ce personnage récurrent est né de cette réflexion. Plutôt que de créer une personne reconnaissable, aux critères esthétiques proches de notre époque, je préfère peindre une sorte de personnage neutre dont la physionomie s’adapte à l’idée qu’il représente, tantôt en forme de coeur, tantôt dédoublé, tantôt géant. Sa physionomie est inspirée par ce que j’ai sous la main quand je peins : moi d’abord, mais aussi des portraits de femmes de Picasso, de Niki de Saint-Phalle, de Caravage.
Par conséquent, plutôt que de se demander qui j’ai peint, j’incite le spectateur à se concentrer plutôt sur l’action et l’idée du tableau.

D’ailleurs, dans tes peintures récentes tu as beaucoup exploré le double portrait. Habillées de la même façon, elles sont encore moins dissociables entre elles. Une ressemblance que tu accentues par leur attitude corporelle qui les lie et qui créé une véritable symbiose. Ainsi, elles ne semblent plus faire qu’un. Peux-tu nous parler de ces récents travaux dans lesquels tu explores le double portrait?

L’intuition a toujours eu une place importante dans ma vie. A plusieurs moment clefs de ma vie, alors que toute la logique du monde me disait d’aller dans un sens, quelque chose en moi d’inexplicable me disait d’aller exactement à l’opposé et je ne l’ai jamais regretté.
C’est pourquoi cette série s’intitule ‘Les intuitions’. Je voulais représenter cette petite voix intérieure, ce ressenti, qui nous dit que tout se passera bien alors que tout va mal, ou qu’au contraire il vaut mieux partir en courant dans une situation semblant pourtant confortable. J’ai donc choisi de personnifier l’intuition en une sorte de soeur jumelle qui parait sure d’elle et confiante en ce qu’elle semble dire à l’autre personnage.
‘Not this Way’, from ‘The Intuitions’ serie, 92x73cm.
‘Not this Way’, from ‘The Intuitions’ serie, 92x73cm.

Tu fais souvent des femmes qui semblent immenses. Tu accentues cette représentation en jouant sur les cadrages et les point de vues. Vues en contre plongée, les femmes dans «  Fully Myself » nous dominent. Ou encore, dans « Travel into Myself » ton personnage semble bien trop grand pour l’espace de la toile et dans l’espace dans lequel il évolue. Et même la « Baigneuse » semble trop grande pour l’espace de la baignoire. Que souhaites-tu mettre en avant avec ce choix d’échelle?

Les femmes qui peuplent mes tableaux sont comme des montagnes, grandes, fortes et paisibles. Elles occupent une espace important des tableau sans être pour autant menaçantes. Avec leurs corps tout en courbes et leurs vêtements colorés, on ne peut pas les rater dans une pièce! Nous vivons encore dans une société qui souhaiterait encore que les femme soient des créatures discrètes et superficielles. Or les femmes que je peins sont bien présentes et sont manifestement dotés d’un monde intérieur riche et profond. Elles rêvent, lisent, partent à la rencontre d’elles-mêmes comme nous le faisons aujourd’hui en 2020.

Tes personnages sont toujours élégamment vêtus. Et les vêtements dans tes compositions ont toujours un rôle à jouer. Ils lient les personnages entre eux ou participent à assoir leur présence dans la composition, en jouant sur les proportions. Peux-tu nous parler de ton rapport au vêtement?

On parle souvent du vêtement comme d’un simple support d’image sociale ou de genre.
Or les tendances de la mode en disent souvent très longs sur nos rêves et nos aspirations profondes. Un jour par exemple, je me promenais au Jardin des Plantes entre deux peintures et j’ai aperçu un garçon avec un bomber bleu ciel aux motifs marguerites blanches. J’ai trouvé cela d’une poésie et d’une audace folle. Le vêtement, les objets, j’aime que mes peintures soient profondément ancrées dans notre époque et que dans 10 ans, on puisse se dire : ce tableau date de 2020.
‘Fully myself’, 100x73cm
‘Fully myself’, 100x73cm

Tes femmes sont souvent songeuses, rêveuses. Et leurs corps ou leurs vêtements deviennent le réceptacle et le support à la matérialisation de leurs rêveries. Des paysages qui semblent être ceux du Sud prennent vie et créent des mises en abimes dans tes compositions. Pourquoi ces paysages? Et symbolisent-ils pour toi ?

Je suis née et j’ai grandi à Toulon, près de Marseille. J’ai été marquée par ces paysages provençaux bercés par le soleil et la chaleur au sein desquels se dressent toujours ça et là une montagne, un cyprès ou une petite villa aux murs de couleur beige. Au delà de ces paysages de nature que je trouve magnifiques et reposants, l’omniprésence de la Provence dans mes tableaux évoque surtout cet état d’esprit si propre au Sud de la France : l’art de ralentir, de prendre le temps de vivre ses journées, de parler aux gens autour de nous et de contempler ce qui nous entoure. Quelque chose que j’ai un peu perdu en arrivant à Paris à 18 ans. J’ai vu les gens courir dans le métro et sans trop savoir pourquoi, j’ai finit par courir avec eux.


Le tableau « Fully Myself » me rappelle celui de Matisse intitulé « La blouse roumaine » pour ton travail des proportions. Henri Matisse est-il pour toi une influence créatrice? As-tu d’autres artistes qui t’inspirent que tu aimerais évoquer?

Je m’inspire souvent d’aspects bien précis des artistes que j’aime : la légèreté et l’oisiveté des tableaux de Matisse, les corps immenses et ronds de Niki de Saint Phalle, la douceur des visages chez Raphael et Boticelli...’Le Monologue de Minuit’ est par exemple directement inspiré de la composition des ‘Femmes d’Alger’ de Delacroix et ‘La Baigneuse’ des oeuvres de Pierre Bonnard.

Actuellement tu as un solo show en ligne avec la Four Gallery. As tu d’autres actualités à nous partager?

Après 3 expositions en ligne pour la Four You Gallery et Artistellar, je participerai enfin à mon tout premier Group show ‘physique’ visible à partir du 12 juin et pendant 2 semaines à la galerie Zberro, Paris 8e.
La Baigneuse, 2021, Acrylic on canvas, 81 x 130 cm
La Baigneuse, 2021, Acrylic on canvas, 81 x 130 cm
Everything Will Be Fine, 2021, Acrylic on canvas, 92 x 73 cm
Everything Will Be Fine, 2021, Acrylic on canvas, 92 x 73 cm
´The Little voice’, from ‘The Intuitions’ serie, 92x73cm.
´The Little voice’, from ‘The Intuitions’ serie, 92x73cm.
Travel Into Myself, 2021, Acrylic on canvas, 130 x 89 cm
Travel Into Myself, 2021, Acrylic on canvas, 130 x 89 cm

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