Festival Circulation(s), 104, Paris
Festival Circulation(s), 104, Paris

Il y a deux semaines, j’ai eu la chance de pouvoir visiter la 11e édition du Festival Circulation(s) dédié à la jeune photographie européenne. Cette dernière édition orchestrée par le collectif Fétart met à l’honneur cette année le Portugal. Mais pas que ! Il rassemble au total 33 artistes de 12 nationalités différentes et aux univers multiples. Ce festival rend compte de la création émergente tel un laboratoire créatif et immersif où il est possible de circuler librement d’un univers à un autre. La scénographie d’ensemble et la disposition de chaque espace, accordé aux photographes, permet qu’un véritable dialogue s’opère entre chacun d’entre eux et que les idées circulent sans aucune frontière. La déambulation se fait dans trois espaces denses et notre regard et nos pas circulent librement et très naturellement. 
C’est un festival qui a pour caractéristique de mettre en perspective une autre approche de la photographie, celle à la frontière avec l’art contemporain. En résulte de véritables installations où les photographies gagnent l’espace de déambulation et d’exposition : tantôt suspendues, tantôt placées directement au sol ou encore parfois collés directement au mur.. ce sont autant de propositions plastiques et visuelles qui permettent de donner un autre visage à la photographie. 

A travers une sélection d’artistes, je vous propose de découvrir un aperçu de cette nouvelle édition, en attendant sa tant attendue ouverture publique. 

Bobby Beasley, « Roughly 1,000 miles per hour » 2020
Bobby Beasley, « Roughly 1,000 miles per hour » 2020
Bobby Beasley, « Roughly 1,000 miles per hour » 2020
Bobby Beasley, « Roughly 1,000 miles per hour » 2020
Bobby Beasley, « Roughly 1,000 miles per hour » 2020
Bobby Beasley, « Roughly 1,000 miles per hour » 2020
Bobby Beasley 
 « Roughly 1,000 miles per hour» (2020). 

La plupart des photographies de cette série exposées au @festival_circulations présentent des scènes nocturnes capturées dans la blancheur du flash. Cette lumière crue et vive de ce dernier, souligne particulièrement le geste et l’activité des personnages qui y sont enregistrés. En résulte des couleurs vives et saturées qui orientent notre regard davantage sur le geste que sur les personnages. Si la plupart du temps ce sont les membres de sa famille qui nous sont donnés à voir, sa proximité immédiate avec les sujets n’est pas tant marquée par l’établissement de portraits et de leur identité, mais bien par l’ambition de montrer un quotidien, des scènes de tous les jours. L’œil du photographe se porte sur les attributs ou l’environnement de ce quotidien qui en deviennent les sujets principaux de ses photographies, à l’image de ces fleurs mises au premier plan prenant le pas sur le double portrait. 

L’ensemble de la série a été réalisée tout au long de l’année 2020, marquée par la pandémie, pendant laquelle l’artiste y a observé les activités qui ont marqué ce nouveau quotidien et cette réalité. Le jardinage y occupe une place de choix dans cette série. Au moyen de sa technique, l’artiste en souligne la gestuelle qui en résulte : celle de ramasser ou couper des fleurs, tailler une branche.. Le jardin, étant le seul lieu extérieur par excellence où il est possible de se mouvoir en toute liberté, est devenu pour l’artiste son théâtre privilégié où il en a décelé ces scènes qui aujourd’hui sont exposées. 


Mathias Ponard, Naufrage, 2019.
Mathias Ponard, Naufrage, 2019.
Mathias Ponard, Naufrage, 2019.
Mathias Ponard, Naufrage, 2019.
Mathias Ponard, Naufrage, 2019.
Mathias Ponard, Naufrage, 2019.
 Mathias Ponard 
 "Nauvrage" (2019).

Ce sont 5 cyanotypes d’un bleu profond qui s’offrent à nous lorsque nous découvrons l’installation de l’artiste. Accompagnés d’une vidéo 16 mm, la contemplation de ses œuvres se fait alors encore plus profonde et immersive. Des œuvres, que l’artiste a choisies de suspendre et que l’on pourrait apparenter à des stores. Elles deviennent comme des fenêtres sur le monde dans lequel l’artiste nous emmène. Les images se font presque mouvantes, comme lorsqu’une légère brise vient balayer les stores d’une fenêtre. 

Ce projet, l’artiste l’a réalisé entre Tanger et Gibraltar, deux hauts lieux de la Méditerranée, marqués par leurs ports. Et, à l’image de ces ports qui s’ouvrent sur une immensité bleue entre ciel et mer, l’artiste a choisi de figer ces images au moyen de la technique du cyanotype, générant de superbes monochromes bleus.
Chacun de ces cyanotypes suspendus sont marqués par une silhouette, un anonyme, dans une scène de vie dont l’artiste se fait témoin. De ces personnages on ne perçoit pas leur identité, l’artiste semble avoir été davantage intéressé par leur intégration dans ce paysage solaire, où un agréable silence s’impose.

Anne-Sophie Auclerc, «  Il est déconseillé de se baigner dans un lac lors d’un orage », 2019.
Anne-Sophie Auclerc, « Il est déconseillé de se baigner dans un lac lors d’un orage », 2019.
Anne-Sophie Auclerc, «  Il est déconseillé de se baigner dans un lac lors d’un orage », 2019.
Anne-Sophie Auclerc, « Il est déconseillé de se baigner dans un lac lors d’un orage », 2019.
Anne-Sophie Auclerc, «  Il est déconseillé de se baigner dans un lac lors d’un orage », 2019.
Anne-Sophie Auclerc, « Il est déconseillé de se baigner dans un lac lors d’un orage », 2019.

Anne-Sophie Auclerc 
 «  Il est déconseillé de se baigner dans un lac lors d’un orage » (2019).

Dans un espace longitudinal, prend place l’installation de l’artiste française. Ce sont 11 photographies placées contre le mur et étendues en parti sur le sol. Comme un film photographique, les photographies sont de la même dimension et se suivent selon un même rythme. De manière séquentielle, nous faisons pas à pas l’expérience relatée par l’artiste. Tantôt en couleur, tantôt en noir et blanc, ces images témoignent d’une expérience bien précise : celle du saut à l’élastique. L’artiste s’est intéressée à enregistrer l’expression de celles et ceux qui ont tenté l’aventure. Des expressions pourtant si éphémères, propre à la durée éclaire du moment, qui figent un instant T où on s’abonne pleinement et où l’expression ne trahit pas. Cette recherche de haute sensation, de dépassement de soi et des limites, l’artiste le documente aussi bien par ces visages que par des détails corporels et des points de vues de l’environnement, tels que les personnes qui osent le saut le voient. 

Cette recherche l’artiste l’a matérialisée également par cette installation de ses photographies placées vers le sol et par cette disposition de ses photographies qui imposent une autre façon de regarder les photographies. Il nous faut pencher la tête et notre compréhension de l’espace se fait d’une autre façon comme celles et ceux qui tentent l’expérience du saut.

Eleonora Strano,  « Ex Materia », 2018-2019
Eleonora Strano, « Ex Materia », 2018-2019
Eleonora Strano,  « Ex Materia », 2018-2019
Eleonora Strano, « Ex Materia », 2018-2019
Eleonora Strano,  « Ex Materia », 2018-2019
Eleonora Strano, « Ex Materia », 2018-2019
Eleonora Strano 
 « Ex Materia » (2018-2019).

Des photographies en noir et blanc, teintées d’une certaine nostalgie, « Ex Materia » témoigne du voyage initiatique qu’Eleonora Strano a réalisé ces dernières années, dans le Sud-Est de la France, sur les traces de son enfance. 

Ces images, l’artiste a choisi de les plonger dans l’obscurité, dans une atmosphère qui se fait orageuse et où la lumière naturelle peine à percer. Entre tension et tendresse, les images d’Eleonora jouent avec cette ambivalence. Alternant entre des photographies de paysages et des scènes de vies, il faut souvent s’approcher de près pour les admirer. Si l’artiste semble se tenir à distance, comme désormais extérieure à cette vie, son regard semble quant à lui traduire à la fois un certain tourment et une bienveillance sur ses sujets. La lumière émane d’ailleurs très souvent des êtres photographiés dont leurs peaux ou leurs vêtements se font parfois brillants.

Eleonora Paciullo,  « This is L.A », 2018-2020
Eleonora Paciullo, « This is L.A », 2018-2020
Eleonora Paciullo,  « This is L.A », 2018-2020
Eleonora Paciullo, « This is L.A », 2018-2020
Eleonora Paciullo,  « This is L.A », 2018-2020
Eleonora Paciullo, « This is L.A », 2018-2020
Eleonora Paciullo 
 « This is L.A » (2018-2020).

Comment faire le portrait d’une ville? Et comment la représenter sans utiliser ses propres souvenirs photographiques ?
A traversa sa série « This is L.A » l’artiste explore la possibilité de traduire ses souvenirs personnels en s’appropriant des images virtuelles, celles de jeux vidéo prenant pour décor la ville d’LA. En résulte des images argentiques en noir et blanc, au grain particulièrement marqués. Son choix d’images se portent sur des silhouettes. Ce sont des silhouettes d’immeubles et d’anonymes, des motifs que l’artiste choisit d’isoler et qui sont dépourvus de repères spatio-temporels. 
Le rendu de ces images semblent traduire une volonté de l’artiste à représenter un souvenir assez lointain et ne se voulant pas pleinement figé: les contours se font flous et les images vaporeuses. 
En interrogeant ces images par cette appropriation, l’artiste questionne l’identité de ces images. Par l’isolation de ces motifs et par leur déplacement dans un tout nouveau contexte, ils servent désormais l’intention de l’artiste. À travers ces images placées bords à bord, comme une pellicule photo, l’artiste nous propose de nous faire le récit de son voyage dans la ville mythique d’L.A . 
Beatriz Banha, « Suspenso », 2020
Beatriz Banha, « Suspenso », 2020
Beatriz Banha, « Suspenso », 2020
Beatriz Banha, « Suspenso », 2020
Beatriz Banha 
 « Suspenso » (2020)

Cette année le @festival_circulations met à l’honneur le Portugal avec quatre photographes portugais dont Beatriz Banha. 

La série « Suspenso » présente son nouveau quotidien bouleversé par les mois de la pandémie. Dans sa maison familiale, aux côtés de ses grands-parents et de son neveux, le temps prend une autre dimension et rythme. Dans un temps suspendu et inédit, l’artiste nous fait le récit de cette nouvelle vie, à travers le quotidien de sa famille et notamment de son grand-père, aimant s’occuper de ses fleurs. Cette nouvelle iconographie permet à l’artiste d’interroger la notion du temps qui passe et la transformation inévitable.

Si ce sont des images à la dimension intime forte que l’artiste nous offre, elles sont pour autant universellement admises par tous. Nous pouvons à notre tour nous projeter et nous identifier à ces scènes quotidiennes. L’artiste les enregistre à travers la lumière blanche du flash révélant de magnifiques couleurs comme ce violet et ce bleu particulièrement remarquables dans cette série. 





Festival Circulation(s)
Jusqu'au 2 mai 2021
AU CENTQUATRE-PARIS,
5 RUE CURIAL 75019 PARIS

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